Voyager pour retrouver ses racines
Comme plusieurs, j’ai souvent pensé à partir sur les traces de mes ancêtres de l’autre côté de l’Atlantique. À l’occasion de la Semaine nationale de la généalogie, j’ai cherché des pistes pour simplifier la concrétisation de ce projet. Et si remonter le cours de son histoire familiale était l’ultime cadeau à s’offrir?
C’est une question liée à la santé qui a amené Patricia Patera, qui œuvre dans le domaine du voyage depuis une trentaine d’années, à s’intéresser à la généalogie. «Il y a plusieurs cas de cancers du sein dans ma famille, mais, moi, je n’ai pas le gène», confie-t-elle. Née de parents italiens qui ont immigré au Québec dans les années 1960, elle a ainsi retracé son grand-père adoptif à Naples, d’où sa famille est originaire.
Alors qu’elle faisait des recherches personnelles, la gestionnaire-conseillère d’Aro Voyages s’est dit qu’il pourrait être intéressant de recréer sa démarche dans un contexte de voyage. Organiser un séjour de ce genre par soi-même exige non seulement beaucoup de temps, mais aussi des connaissances particulières tant du monde du voyage que de la généalogie. «L’idée est venue pendant la pandémie, relate-t-elle. André-Carl Vachon [historien et auteur] avait déjà fait des voyages scolaires avec nous dans le passé. Je l’ai approché en 2022 pour faire quelque chose sur l’histoire des Acadiens. Nous avons commencé par proposer un voyage en Nouvelle-Écosse.»
De fil en aiguille, cinq circuits ont vu le jour en Acadie, en France et sur les traces des Franco-Américains, de l’autre côté de la frontière. En 2025, six autres départs sont prévus, notamment en France avec les familles Barbe, Lussier et Tétreau-Boily-Casgrain.
Les circuits en autocar comptent généralement une vingtaine de participants. «Il y a des voyages multigénérationnels, par exemple le grand-papa qui emmène toute sa famille découvrir le lieu d’origine de leurs ancêtres», raconte Mme Patera.
Des circuits personnalisés
Riches en émotions, ces voyages donnent souvent lieu à des rencontres marquantes. «Nous demandons aux voyageurs qui sont leurs ancêtres – avec des sources fiables. Il y a un itinéraire de base avec des endroits clés, mais je laisse de l’espace pour faire des détours avec nos chauffeurs. Par exemple, en Nouvelle-Angleterre, nous avons fait des recherches pour passer là où nos voyageurs avaient des ancêtres. Ce sont vraiment des voyages personnalisés.»
Bien que certains départs aient été confirmés à la suite de la demande d’une famille en particulier, des voyageurs qui ont des racines communes peuvent se joindre aux groupes. Les séjours sont également élaborés de connivence avec des mairies. «Nous sommes souvent accueillis par la mairie locale, dit Patricia Patera. Il nous est arrivé de nous promener dans un cimetière et de réaliser que des gens ont le même ancêtre. Il y a des coïncidences de fou!»
Souvent très âgée, la clientèle de ce type de séjour est généralement ravie de ne pas avoir à se préoccuper de la conduite une fois sur place. L’accès à un accompagnateur qui maîtrise le sujet – tous sont «historiens, généalogistes, écrivains ou professeurs», précise Mme Patera – constitue un atout indéniable. Afin de répondre à d’autres besoins, cette grande passionnée a également élaboré des autotours pour l’été prochain «pour M. et Mme Tout-le-Monde», dit-elle.
Elle souhaite aussi sensibiliser les plus jeunes à l’importance de leur histoire familiale. «Les groupes scolaires sont une prochaine étape. La pandémie a allumé une lumière. Les gens ont besoin de se remettre les deux pieds sur Terre.»
Si quelques agences proposaient déjà ce type de séjour, Aro Voyages est la seule à avoir une entente avec la Fédération des sociétés de généalogie du Québec.
Comment retrouver ses ancêtres?
L’accès plus facile à des tests d’ADN a entraîné un intérêt grandissant pour l’histoire familiale. «Il y a plusieurs dizaines d’années, les Américains qui souhaitaient voyager pour découvrir leurs racines devaient se fier à la tradition familiale, parcourir des livres poussiéreux et, souvent, suivre leur instinct, a écrit la journaliste Shannon Sims dans The York Times samedi dernier. Mais les sites de tests ADN, les bases de données généalogiques en ligne et les médias sociaux ont grandement facilité les recherches, alimentant un intérêt croissant pour les voyages à la découverte du patrimoine.»
Si, comme moi, vous portez un nom commun, les recherches sont encore plus aisées. Dans son livre Retracez vos ancêtres – Guide pratique de généalogie, publié en 2009, Marcel Fournier – qui fait partie des accompagnateurs d’Aro Voyages – souligne que «la documentation québécoise est abondante, exhaustive, variée et accessible. Pour ces raisons, il est facile pour un Canadien français de souche de remonter, en l’espace de quelques heures seulement, ces dix ou douze générations, ce qui fait l’envie des généalogistes américains et européens».
Près de 25% des Québécois ont aussi selon lui «des racines acadiennes, qu’elles soient anciennes ou récentes. Dès 1755, plus de 300 familles acadiennes viennent s’établir au Québec, écrit-il. Elles sont rejointes, quelques années plus tard, par d’autres familles qui avaient effectué un séjour pénible dans les colonies américaines. Les paroisses de la baie des Chaleurs, les villages de L’Assomption, L’Acadie, Bécancour, Nicolet, et Saint-Nicolas sont devenus, au fil des ans, de véritables localités acadiennes».
Avec l’immigration, les voyages axés sur la généalogie risquent d’attirer de plus en plus de curieux. «La généalogie est planétaire, souligne M. Fournier dans Retracez vos ancêtres – Guide pratique de généalogie: il suffit de rappeler la diaspora acadienne qui a dispersé ce peuple sur trois continents, en France, en Louisiane, en Guyane et aux îles Malouines. Il en est de même pour les ancêtres de nos premiers pionniers dont l’histoire généalogique se confond avec celle de la France et de l’Europe avant la découverte du Nouveau Monde.»
En avril 2025, André-Carl Vachon accompagnera un groupe en Martinique afin de marcher sur les pas des Acadiens. Après la guerre franco-britannique de Sept Ans, en 1763, des Acadiens dispersés par le Grand Dérangement ont décidé de rester sur l’île française. «Ainsi, quelque 400 familles acadiennes s’installèrent dans un quartier de l’actuelle Morne-Rouge dénommé “Champflore”, aujourd’hui le quartier Propreté, site du Domaine d’Émeraude», peut-on lire dans Explorez la Martinique, publié par Guides Ulysse. Kathleen Juneau Roy repartira quant à elle en Nouvelle-Angleterre à la recherche des racines franco-américaines de plusieurs familles.
Voilà de quoi raconter de bien belles histoires aux générations futures!
À lire et à découvrir:
- Un bon point de départ pour faire des recherches sur sa famille: Généalogie et histoire familiale du gouvernement du Canada
- La section Généalogie de Bibliothèque et archives nationales du Québec
- Fédération québécoise des sociétés de généalogie
- Reportage publié dans The New York Times le week-end dernier
- Voyager sur les traces de ses ancêtres, Le 15-18, ICI Radio-Canada, 16 décembre 2019
- «Les Francos-Américains sur la trace de leurs ancêtres», Pascale Lévesque, Le Soleil, 12 août 2024
- «Québec passe à côté de la manne du tourisme généalogique», Pascale Lévesque, Le Soleil, 12 août 2024
- Passeurs de mémoire, des balades généalogiques (payant)