Les Olmèques, une civilisation à découvrir à Pointe-à-Callière
En 32 ans d’existence, le musée Pointe-à-Callière de Montréal nous a fait découvrir la Chypre antique, l’univers des Aztèques, les steppes d’Ukraine, les trésors de l’Antiquité grecque, les joyaux des Reines d’Égypte, les Incas du Pérou, et j’en passe. L’institution, dirigée depuis trois ans par Anne Elisabeth Thibault, continue de nous en mettre plein la vue avec une autre exposition époustouflante célébrant une civilisation ancienne, les Olmèques.
Vous ne connaissez pas les Olmèques? C’est l’occasion parfaite de se téléporter dans le golfe du Mexique, il y a 4000 ans, pour faire la connaissance de cette civilisation surprenante qui a légué beaucoup de savoir-faire aux Mayas et aux Aztèques qui sont venus après.
Il n’y a pas de gêne à ne pas connaître les Olmèques. Dès le premier panneau de l’exposition, on nous rassure en disant que la découverte de cette société, la plus ancienne connue en archéologie mésoaméricaine, est récente et que les connaissances à son sujet sont incomplètes.
Cependant, les artéfacts qu’on nous présente sont dans un état remarquable et permettent d’apprécier la description qu’on en fait sur les cartels. Je ne vous cacherai pas que c’est en les lisant que je me suis fait une idée de cette civilisation. Je me permettrai même d’en tirer des citations, car je suis loin d’être un spécialiste de ce pan de l’histoire mexicaine.
Prenons les premières pièces exposées. Elles témoignent parfaitement d’une société «organisée selon une stratification sociale avec une classe ouvrière et une élite». Les sculptures exposées représentent sans nul doute des dirigeants. On peut les admirer dans des poses et avec des attributs qui leur confèrent du pouvoir: la posture est droite, les lèvres tombantes, les vêtements (casque, plastron, ceinture) sont ornementés.
Ça, c’est quand ils ne prennent pas des airs de félins, car les Olmèques vouent un culte aux jaguars. «Véritable symbole de noblesse, le jaguar incarne le pouvoir et la lignée des familles dirigeantes.»
Les Olmèques sont sédentaires. Établis dans les basses terres du Tabasco et du Veracruz, ils doivent leur nom à l’hévéa qui pousse dans cette jungle. Olmèque signifie «le peuple de la région de l’arbre de caoutchouc».
De cette matière, les Olmèques créeront une boule qui donnera naissance à un jeu de balle opposant deux équipes de huit joueurs sur de grands terrains en forme de T ou de I.
Dans ce jeu, la balle est frappée avec la hanche, le coude, le genou comme le suggère cette statue créée plus de 3000 ans avant nos Expos!
Les salons de tatouage qui courent les rues aujourd’hui n’ont rien inventé non plus. Ces sceaux auraient permis aux habitants de se décorer le corps de différents motifs.
Dans le cours de l’histoire, cette civilisation a raffiné l’art de la vie en société avec notamment une imposante acropole à La Venta, deuxième capitale olmèque. C’est là aussi que sera construite «la première pyramide connue, culminant à plus de 30 mètres de haut».
L’exposition s’intéresse aussi aux rôles des femmes, qui peuvent être à la fois médiatrices politiques, joueuses de balle, déesses du maïs, ou tout simplement incarner la fertilité.
On apprendra que celles qui meurent «en couches se transforment en redoutables démones… Leur accouchement, assimilé à un combat intense, les rapproche des guerriers tombés au champ de bataille».
Il y a aussi «les souriantes». Très contrastantes avec les moues qu’affichent les hommes dans les premières salles, ces figurines ont été découvertes dans des contextes funéraires. On présume qu’elles servaient à «éclairer le sombre passage vers l’au-delà».
J’ai beaucoup aimé cette manière très prudente de présenter les hypothèses des chercheurs.
Par exemple, on nous dit que la Piedra Labrada, associée aux premiers calendriers, demeure floue quant à la signification de ses motifs.
Dans le cas de ces sculptures pleines de détails, on se contente d’avancer que «leur fonction et leur signification restent inconnues».
Quant à ce disque représentant un acrobate, qu’on présente pour la toute première fois au public, on admet qu’il n’a pas encore livré tous ses secrets.
Avec plus de 300 œuvres à voir, c’est quand même une formidable rencontre avec un monde très lointain, mais néanmoins très sophistiqué.
Ce qui n’a pas empêché les Olmèques de disparaître, laissant aux civilisations subséquentes plusieurs grandes découvertes qui ont permis la suite de cette grande fuite en avant.
L’exposition Olmèques et les civilisations du golfe du Mexique est à l’affiche jusqu’au 15 septembre.
Radioscopie du quartier Saint-Henri
Pointe-à-Callière a aussi dans sa mission de parler de l’histoire de Montréal. Périodiquement, on propose des expositions qui mettent en valeur les différents quartiers de la ville. Au tour de Saint-Henri de faire l’objet d’une radioscopie, et ce ne sont pas les histoires qui manquent.
Celle qui veut que le 1001, rue Lenoir (angle Saint-Antoine) ait été pendant 17 ans le siège mondial de la première industrie musicale au monde, la Berliner Gram-o-phone Company, est l’une des plus fameuses. Le sympathique chien Nipper, symbole de la compagnie, est là pour en témoigner.
L’exposition remonte aussi loin qu’en 1670, à l’époque où Saint-Henri était en quelque sorte l’antichambre d’une économie bâtie autour du commerce des fourrures. Ces pelleteries à vendre, échanger, exporter nécessitaient d’être transformées, et c’est sur le bord des rapides de Lachine que sont installées les tanneries où l’on s’adonnait à cette tâche extrêmement exigeante.
L’exposition s’intitule à juste titre Saint-Henri, le cœur à l’ouvrage, car la population qui y a habité a toujours été besogneuse.
On le sait, le canal de Lachine est le berceau de l’industrialisation canadienne. Il y a longtemps eu du boulot à abattre dans ce secteur.
Après s’être esquintés sur les fourrures, les habitants de Saint-Henri ont travaillé dans les nombreuses usines et entrepôts qui ont pris le relais le long de cette voie navigable, et des innombrables voies ferrées qui la longent.
Les besoins de main-d’œuvre dans ces manufactures font d’ailleurs exploser la population. De 1871 à 1905, le nombre de résidents de Saint-Henri passe de 2400 à 24 000! Des logements ouvriers sont construits à la va-vite pour répondre à ce boom. On oublie les ruelles, ce qui crée la particularité de Saint-Henri où les gens veillent sur des chaises de parterre devant la porte d’en avant.
La présence de ces masses ouvrières donne donc le ton à ce quartier toujours modeste, solidaire et engagé.
Les conditions de travail difficiles dans les usines de textile, de cigarettes, de fabrication de radios sont un terreau fertile pour les syndicats.
On rappelle notamment le rôle important qu’ont eu Madeleine Parent et Léa Roback pour la reconnaissance des droits des travailleurs, et particulièrement des travailleuses.
On le constate en parcourant cette exposition, Saint-Henri est extrêmement présent dans notre culture.
Gabrielle Roy, qui a si bien raconté la vie de ce quartier ouvrier dans Bonheur d’occasion, y est pour beaucoup.
Yvon Deschamps, dont les premiers monologues étaient campés dans cet univers, est là par le biais d’une archive formidable tirée de l’émission Montréal ce soir. L’humoriste raconte à Martine Lanctôt à quel point son enfance est enracinée dans ce quartier.
Et quel bonheur de revoir un extrait du fameux sketch du Bye Bye 1970 où le soldat Olivier Guimond explique à Denis Drouin, personnifiant un anglo de Westmount, qu’il habite en bas de la montagne, là où il fait noir.
L’exposition ne serait pas complète sans un coup d’œil sur le Saint-Henri d’aujourd’hui où la classe populaire de ce quartier est coincée entre les ruines industrielles du passé, très présentes, et l’embourgeoisement qui est venu avec la transformation de plusieurs anciennes usines désaffectées en logements luxueux.
Après cette visite, on a juste une envie: partir à la découverte de Saint-Henri!