Chère Louise Latraverse!
Notre journaliste Claude Deschênes a vu le spectacle L’amour crisse de Louise Latraverse, avant la première médiatique du 30 avril. Maintenant que l’embargo demandé sur les critiques est levé, il vous livre ses impressions sous la forme d’une lettre qu’il lui adresse.
Montréal, 16 avril 2024
Chère Louise!
J’ai envie de déroger à mes habitudes pour parler de ton spectacle. Tu es hors norme et ne rentres pas dans le cadre rigide de la critique standard. Je vais donc faire comme toi, parler de cœur à cœur. Comme si je t’écrivais une lettre. Et je te tutoie parce que ça va de soi. Tu as ce même don que Janette Bertrand et Marina Orsini de faire disparaître les distances entre les gens.
Parce que je ne pouvais être là le soir de la première, je suis allé te voir un lundi (le 15 avril) dans cette Cinquième Salle de la Place des Arts que tu voudrais qu’on baptise du nom de ton frère en-allé Guy.
Personnellement, je pense qu’il mérite un lieu plus prestigieux que ça. Cette cinquième salle a été inaugurée en mai 1992, bien après que Guy Latraverse ait convaincu tant de Montréalais que la Place des Arts n’était pas la Place des Autres, comme on a dit à son inauguration, il y a 60 ans.
Tu as si bien parlé de lui. On sentait sa présence dans cette salle archi pleine de gens ordinaires qui te suivent depuis longtemps et qui t’aiment sincèrement.
J’espère qu’on te l’a bien fait sentir quand tu es apparue pleine de grâce dans ta tenue Denis Gagnon que tu portais à ravir, chaussée d’escarpins élégants, avec cette chevelure blanche qui te donne tant de panache.
Comme dans ton livre, dont je me suis délecté, tu nous as raconté ta vie sur tous les tons. Que de rebondissements dans ton parcours! Un jour écolière à l’école anglaise à Arvida (quand je dis que tu es hors norme!), après, secrétaire de direction, et, sans crier gare, te v’la coanimatrice à la radio avec le Survenant, Jean Coutu, le plus beau mâle du Québec à la fin des années 1950! My God!
Un moment donné, j’avais l’impression d’entendre un conte de Fanfreluche. Le moment d’après, c’est des airs de ta grande amie Clémence que j’entendais. Tu peux être aussi drôle qu’elle.
Fallait te voir complètement virée à l’envers pour bien nous montrer où vous aviez recruté Paule Bayard pour compléter les rangs des Girls. Ton punch? Celle qui faisait la voix de Bobinette était cachée sous le castelet de Bobino, et attendait l’invitation pour en sortir! J’ai aussi beaucoup ri quand tu as décrit les autres membres de ton quintette: Diane Dufresne, Chantal Renaud, et Clémence, bien sûr.
Tu ne donnes pas ta place non plus quand tu parles des hommes qui ont jalonné ta vie: Claude Léveillée, Paul Buisonneau, Pierre Bourgault, et ce Marcel Dubé qui t’a donné ta première chance à la télévision dans le téléroman Côte de sable, qui se passait à Ottawa.
Parlant d’Ottawa, c’est là que vivait ton idole de jeunesse: Barbara Ann Scott. C’est drôle, parce que ma belle-maman, qui est de la même génération que toi, allait à l’école proche d’où la célèbre patineuse habitait. Elle nous parlait justement en fin de semaine de cette grande championne sur glace et de ses cheveux jaunes.
J’ai aimé que trois de tes dessins en version extra-large te servent de décor. J’en aurais pris plus. Ton monde illustré est toujours surprenant.
Mais là où tu m’as encore plus surpris que dans tes dessins, c’est quand tu t’es mise à chanter. Je ne m’attendais pas à ça. Ton interprétation de La fille de l’île de Félix Leclerc était bouleversante. Quelle belle chanson!
En écrivant ça, ça me donne l’idée de chercher des archives de toi qui chante. J’ai facilement trouvé Chanson morte de Jean-Pierre Ferland, que tu interprétais en mai 1968 à l’émission Jeunesse oblige. Même intensité au chant, même pétillant dans ton animation qu’aujourd’hui sur scène. Tu as toujours eu cette diction parfaite qui m’impressionnait.
Tu peux cliquer ici si tu as envie de revoir ça.
Il n’y a pas que ton chant qui m’a renversé. Les mots sur ton fils et son père, ton Irlandais décédé trop jeune, et aussi les enseignements de ton maître indien.
Peu de jeunes humoristes d’aujourd’hui arrivent, comme toi, à alterner le rire et le profond.
Ton spectacle nous laisse sur ta sagesse, un beau monologue sur comment continuer à vivre malgré toutes les entraves.
Ta liste des «faire comme si» est dans ton livre. Je l’avais lue, mais elle m’est apparue encore plus puissante clamée par toi.
Je ne pensais pas si bien dire en concluant ma recension de ton livre: «Plongez dans son livre, vous n’en serez que plus intime avec elle lorsque vous l’aurez en chair et en verve devant vous.»
Merci pour cette soirée et bonne continuation, car tu as plein de dates de spectacle devant toi. Le 24 juin, je lèverai mon verre à ta santé pour tes pimpants 84 ans!
Claude