Norman Parkinson au Musée McCord Stewart: quand l’image vaut mille mots
En photo, le 20e siècle a été marqué par quelques grandes figures que tout le monde connaît: Yousuf Karsh, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Robert Capa, Norman Parkinson. Ce dernier nom ne vous dit rien? Normal, Parkinson lui-même disait à son sujet qu’il était le plus inconnu des photographes célèbres. Le Musée McCord Stewart règle le cas de son relatif anonymat en présentant jusqu’au 2 septembre une grande exposition consacrée principalement à son travail dans l’univers de la mode. Toujours en vogue, dit le titre de l’expo. En effet!
Les cinq grands noms de la photo que je viens de nommer sont tous nés au début des années 1900; Karsh et Cartier-Bresson en 1908, Doisneau en 1912, Capa et Parkinson en 1913.
Ronald William Parkinson voit le jour à Londres le 21 avril 1913, et déjà, à 18 ans, il s’initie aux rudiments de la photo auprès de Richard N. Speaight, photographe de la maison royale britannique.
À 21 ans, il ouvre son propre studio, qui porte son nom et celui de son associé, Norman Kibblewhite. Son partenaire parti, la raison sociale «Norman Parkinson» restera et deviendra même son nom de photographe, une signature qu’on verra pendant six décennies sous les photos des plus grandes stars (Ava Gardner, Jean Seberg, Mick Jagger) et des mannequins les plus connus de la planète (Anne Gunning, Celia Hammond, Twiggy, Iman).
L’exposition du Musée McCord, qui a circulé en Angleterre, au Portugal et en Espagne, nous arrive ici en première nord-américaine. Elle comprend 79 photos emblématiques de Norman Parkinson et une sélection de 56 couvertures des grands magazines auxquels il a collaboré (Vogue, britannique et américain, Harper’s Bazaar, Queen, Tatler, Town & Country).
Par son legs de milliers de photos, Norman Parkinson documente plusieurs moments de l’histoire: la période d’avant la Deuxième Guerre, les heures sombres du blitz de Londres, l’arrivée du New Look à Paris, le Swinging London, le glamour des années 1970-80, sans oublier toutes ces photos de destinations touristiques exotiques qu’il faisait découvrir en parcourant le monde.
La sélection faite par le commissaire Terence Pepper nous permet de traverser toutes ces époques, de Vivien Leigh en 1935 à David Bowie en 1982, en passant par les Beatles en 1963 et Elizabeth Taylor en 1972.
On peut également apprécier l’esprit créatif de ce photographe à qui l’on doit d’avoir fait sortir les mannequins des studios pour les croquer dans des décors naturels et en couleur. Comme l’ont fait les impressionnistes en peinture.
Quatre modèles avec l’Empire State Building et le Chrysler Building en arrière-plan, la photo Young Velvets, Young Prices, Hat Fashions, prise en 1949 sur le toit de l’édifice de la société Condé Nast sur l’avenue Lexington, à New York, témoigne de cette audace encore jamais vue à l’époque.
Il y a aussi dans l’exposition LE cliché qui a confirmé Norman Parkinson dans sa vocation. Une photo de Pamela Minchin en maillot de bain, prise à l’île de Wight en 1939. Parkinson dit qu’en la voyant apparaître dans le bassin lors de son tirage, il a su qu’il serait photographe pour le reste de sa vie.
De fait, il est mort à 77 ans en plein shooting en Malaisie. On présente d’ailleurs cette ultime photo prise en mai 1990 pour le magazine Town & Country et intitulée La fable de la sirène.
En complément de cette exposition conçue en Angleterre, le Musée McCord Stewart propose aux visiteurs une dizaine de robes et ensembles réalisés provenant de sa collection.
Ces tenues, datant des années 1930 à 1970, sont notamment signées Dior, Laroche, Laug, Morton. Il y a aussi quelques chapeaux créés par les chapelières québécoises Fanny Graddon et Yvette Brillon.
Concluons avec Norman Parkinson et sa technique pour tirer le meilleur de ses sujets. À l’entrée de l’exposition, il y a cette citation qui révèle le secret du photographe au bonnet de cachemire:
«Quiconque se place devant un objectif ressent que c’est contraire à sa nature, voire narcissique et présomptueux. Il faut donc faire oublier cette imposture, et offrir un bon moment. Vous devez accorder votre entière attention à votre sujet et ne jamais lui tourner le dos. Vous tentez de le convaincre, vous lui parlez… mais vous ne le quittez jamais des yeux.»
On peut dire que ça a parfaitement réussi avec Audrey Hepburn à la villa La Vigna, près de Rome, en décembre 1955, photo qui a été retenue pour promouvoir l’exposition.