L’architecture au service de l’autisme
Le bruit, la lumière, les couleurs: le quotidien d’une personne autiste dans un environnement non conçu pour elle relève parfois du parcours du combattant. En repensant les espaces, les architectes peuvent néanmoins s’assurer que tous se sentent mieux.
Comme avril est le mois de l’autisme au Québec, on s’est demandé comment l’architecture peut apaiser ceux et celles qui se trouvent sur le spectre de l’autisme. La réponse n’est malheureusement pas simple.
Il y a un adage qui dit: «Si vous avez rencontré une personne autiste…, vous avez rencontré une personne autiste.» Le balado 99% Invisible a consacré il y a quelques semaines un épisode à l'autisme et à l'architecture. L’intervenante, Lauren Ober, elle-même autiste, y explique l’expression en soulignant que les besoins varient grandement au sein de cette communauté. Par exemple, certains sont hypersensibles alors que d’autres sont hyposensibles. D’où la difficulté de répondre aux exigences de tous et de trouver une recette gagnante.
Pourtant, si ces éléments ne sont pas considérés dès la conception du bâtiment, l’environnement peut devenir source de stress, d’anxiété ou même de douleur pour ces personnes.
Hajer Anti en connaît un rayon sur le sujet. L’architecte et doctorante en neurosciences est une pionnière de la recherche dans ce domaine. Elle reconnaît tous les obstacles qui se dressent devant les immeubles adaptés à cette clientèle bien particulière. Elle s’est tournée vers la neuro-architecture pour y faire face. Ce concept, encore récent, vise à créer des lieux qui tiennent compte des réactions intuitives au cadre bâti.
En entrevue avec son alma mater, elle confie que ce courant, qui permet selon elle de remettre l’humain au centre du processus architectural, la séduit. La conceptrice mise aujourd’hui sur la modularité et l’adaptabilité dans sa pratique. Voici quelques réalisations d’ici et d’ailleurs qui font de même.
L’éveil du Scarabée
En France, dans le petit village de Champcevrais, se trouve depuis 2014 L’éveil du Scarabée, une maison d’accueil pour autistes non verbaux. Cette résidence est le fruit de sept ans de travail de l’architecte Emmanuel Negroni. Celui-ci a mis tout en œuvre pour limiter le plus possible l’anxiété des occupants.
L’équipe de conception a fait attention aux menus détails. La lumière est notamment toujours indirecte, et l’on a opté pour un éclairage à DEL, qui ne produit pas de grésillement ou de scintillement comme les fluorescents. Pour réduire les contrastes, on a installé une verrière au-dessus de l’entrée principale. On passe ainsi plus en douceur de la lumière extérieure à celle de l’intérieur. On a également réduit les sons, comme l’écho qui peut stresser certains autistes, en peaufinant l’acoustique.
L’espace ouvert, pensé comme une place de village, permet aux résidents de se déplacer aisément, mais il offre aussi des zones d’intimité.
À Pas de Géant
Solution bien de chez nous, le Centre d’autisme À Pas de Géant voit grand. Le complexe inauguré l’automne dernier dans Rosemont–La-Petite-Patrie entend répondre au manque de services offerts au Québec aux personnes autistes, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte.
Celui-ci regroupe une école pour 120 élèves, âgés de 4 à 21 ans, un centre d’éducation et de formation des adultes et un centre de recherche sur l’autisme.
L’école, conçue par Provencher_Roy, présente une courbe intérieure qui protège la cour et le talus derrière. À l’intérieur, on ne retrouve aucun couloir droit, pour éviter l’effet tunnel. Des espaces apaisants tels que des alcôves ont été insérés ici et là. Les architectes ont imaginé des zones sensorielles neutres et facilement adaptables aux besoins des élèves. Plutôt que de miser sur des angles droits, on a opté pour des formes courbes. L’ensemble est invitant et doux.
Maison Véro & Louis
La maison de la Fondation Véro & Louis a été conçue spécialement par Atelier TAG pour les adultes vivant avec le trouble du spectre de l’autisme. Elle a été inaugurée en 2021 à Varennes.
La directrice de la résidence, Katty Taillon, expliquait l’an dernier à La Presse que le but «était de concevoir une maison à long terme où l’on puisse vieillir en se sentant chez soi». Une équipe de chercheurs et des proches de personnes autistes ont collaboré avec les architectes pour élaborer le bâtiment.
Si l’extérieur n’a rien de remarquable, l’intérieur a été minutieusement pensé pour répondre aux différents besoins des occupants. L’aménagement est polyvalent et modulable. Une attention particulière a été portée à la lumière, à la température, à l’acoustique et aux matériaux. Les textures n’ont pas non plus été négligées. Le plancher est par exemple doux sous les pieds.
Chacune des 16 chambres, réparties dans quatre maisonnées, reflète la personnalité de son occupant. Le blanc et le bois sont à l’honneur dans les espaces communs. Les ouvertures, elles, donnent uniquement sur la cour.
Morgan’s Garden
Les lieux inclusifs ne sont pas seulement confinés entre quatre murs. On peut aussi concevoir des espaces extérieurs qui répondent aux besoins des personnes autistes. C’est le cas du Morgan’s Garden, la cour du Monarch Center for Autism en Ohio, aux États-Unis.
Le jardin, signé par la firme torontoise Virginia Burt Designs, est dédié aux adultes atteints de troubles du spectre autistique. Afin de comprendre les impératifs des utilisateurs, l’équipe a demandé une subvention de recherche de la Fondation Architecture de paysage Canada pour réaliser une revue de la littérature sur le sujet.
Le résultat comprend un jardin et une ferme. Cette dernière est en fait une cuisine et un patio fermé pour la thérapie horticole et la formation professionnelle. Dans le reste de la cour, on retrouve une pelouse en cercle entourée d’arbres et des sentiers en boucle qui mènent à des sièges, des balançoires et des salles de classe. Des plantes basses, choisies avec soin pour leurs qualités sensorielles, séparent les espaces.
Ce mandat a valu à Virginia Burt un Prix d’excellence 2022 de l’Association des architectes paysagistes du Canada.