Traversée de Charlevoix: une longue randonnée d’exception en ski nordique
Mythique sentier de longue randonnée, été comme hiver, la Traversée de Charlevoix n’a pas pris une ride depuis ses débuts, dans les années 1970, bien au contraire!
Il y a 16 ans, j’avais organisé avec quelques amies un séjour de ski de fond visant à faire une partie de la Traversée de Charlevoix en quatre jours. Malgré une bonne tempête de neige le jour du départ, nous avions mis nos gros sacs sur le dos et entrepris le périple qui devait nous mener jusqu’au mont Grand-Fonds.
Le couvert de neige était si important que nous avancions à moins d’un kilomètre à l’heure en nous relayant pour «ouvrir la piste». L’atteinte du premier refuge fut un défi incroyable dont tout le monde se souvient, et à l’arrivée, il fallut creuser dans la neige pour trouver la porte du refuge! Nous dûmes changer nos plans, prendre une sortie d’urgence le surlendemain, trouver «refuge» dans un chalet de famille, et finir en faisant un aller-retour en ski par le mont Grand-Fonds pour aller dormir au dernier chalet de la Traversée… histoire de boucler la boucle!
Il y a quelques jours, deux de mes comparses de l’époque ont refait cette Demie-Traversée de Charlevoix dans des conditions exceptionnelles, tant du point de vue de la qualité de la neige et de la météo que du service offert par cette «institution» du plein air au Québec. Belle occasion pour moi de vous livrer leurs réflexions pour vous donner le goût de cette aventure hors du commun!
Après avoir été porté à bout de bras par le renommé Eudore Fortin et la Fédération québécoise de la montagne, le sentier de longue randonnée à ski dans l’arrière-pays charlevoisien était confié à un organisme privé à but non lucratif nommé la Traversée de Charlevoix. Depuis 44 ans, l’organisme n’a cessé de bonifier l’offre au bénéfice des amateurs de plein air, avec de magnifiques sections de sentiers et un bon réseau de 13 chalets refuges. Objectif: rendre la longue randonnée plus accessible et plus sécuritaire.
Aujourd’hui, on peut relier Saint-Urbain au mont Grand-Fonds sur 105 km en ski nordique, jusqu’à fin mars l’hiver, à pied ou en vélo de montagne, le reste de l’année. La raquette est seulement permise en début et en fin d’hiver. Certains font la totalité du trajet, généralement en sept jours, d’autres, comme mes amies, le coupent en deux.
En autonomie ou avec services?
On peut accomplir le trajet en autonomie, en transportant tout le nécessaire sur son dos pour quatre à sept jours tout en campant ou en dormant en refuge l’hiver, mais on peut aussi faire appel aux services offerts par la Traversée de Charlevoix.
Il y a 16 ans, nous avions tout avec nous, sauf les matelas pour dormir, qu’on trouvait dans les refuges. L’âge aidant (et les finances aussi), mes amies ont plutôt choisi la version «Traversée super de luxe», service incluant droits d’accès aux territoires traversés, hébergement, transport des bagages et de la nourriture chaque jour, déplacement de véhicules du point de départ à l’arrivée. «Un service tout inclus hors pair», selon elles.
«Il comprenait même une nappe pour la table, un linge à vaisselle, des allumettes, un sac poubelle et un pour le recyclage, ainsi qu’une grosse bonbonne d’eau potable pour le groupe.» Chaque jour, un motoneigiste apportait au chalet suivant l’une de leurs boîtes de nourriture (souper, déjeuner, lunch) laissées au service d’accueil, en plus de leurs sacs de vêtements récupérés au chalet précédent.
Habituées des refuges rustiques qui jalonnent les sentiers québécois, mes amies ont été particulièrement impressionnées de trouver dans les chalets de la Traversée de Charlevoix un équipement de cuisine aussi complet qu’en bon état. «Il y avait tout ce qu’il faut pour cuisiner sur deux ronds fonctionnant au gaz, et même une cafetière Bodum en acier inoxydable!» Le luxe du randonneur, en plus «du bois en masse pour chauffer le poêle et des toilettes sèches en très bon état».
Sur le sentier
Le groupe a entamé son périple en début d’après-midi près d’un pont, dans le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. Dans la neige fraîche, il a progressé sur un sentier étroit, dans le bois, pour 6 km menant au chalet du Geai bleu qui surplombe la rivière Malbaie.
Le deuxième jour, il leur a fallu 5h45, lunch rapide compris, pour skier sans trop de difficulté sur 16 km en longeant d’abord la rivière Malbaie, puis en montant graduellement sur 8 km. Le sentier passait ensuite par une série de lacs et restait sur les hauteurs avant d’atteindre le chalet du Coyote.
Le lendemain, plus de 20 km étaient au programme, mais sous un ciel bleu azur. Cette longue journée en forêt boréale (qui a pris un peu plus de 7 heures de ski, pauses comprises) comportait néanmoins peu de dénivelé au départ, un petit détour en raison d’un barrage de castor, un passage sur un plateau sous des lignes à haute tension et une belle finale sur un sentier étroit jusqu’au chalet de L’Épervier. En chemin, le groupe a pu apercevoir le fleuve Saint-Laurent au loin.
La petite dernière journée (de 10,9 km) leur a offert un terrain varié: bonne montée au départ, transit sur un plateau aux arbres chargés de neige, suivi d’une longue descente de 6 km pour terminer dans les pistes tracées du mont Grand-Fonds.
Bilan du groupe
- De superbes sentiers étroits courant dans la forêt.
- Un service extra en tous points de la part de la Traversée de Charlevoix.
- Une signalisation irréprochable.
- Beaucoup de petites passerelles de bois pour franchir les ruisseaux sans se mouiller les skis.
Sécurité
La Traversée de Charlevoix affiche son circuit pour «randonneurs et skieurs expérimentés». Il est à noter à cet égard que la sécurité en ski de fond (ou nordique) sur sentiers non tracés mécaniquement et en zone éloignée exige plusieurs choses:
- Ne pas présumer de ses forces et capacités. À ce titre, il faut être d’un bon niveau de ski, avoir un équipement de ski de fond adéquat (avec des carres sur les côtés et des peaux de phoque à installer pour les grosses montées).
- Avoir un cellulaire et un GPS, peut-être, mais surtout de bonnes cartes, comme celles fournies par la Traversée de Charlevoix, jour par jour, et une boussole, si on sait s’en servir.
- Toujours avec soi ou pour le groupe, un sac de couchage, un matelas de sol, une couverture de survie, un petit réchaud, de quoi manger et se réchauffer, plus une trousse de premiers soins pour attendre les secours en cas d’accident.
- Partir à trois minimum (ce que bien des sportifs ne font pas). En cas de problème, l’un peut rester avec le blessé et l’autre essayer de trouver du réseau pour lancer un appel d’urgence ou partir chercher de l’aide.
Du nouveau pour la Traversée de Charlevoix?
Passer de l’arrière-pays charlevoisien à la mer, c’est le nouveau rêve que caresse l’organisme. Il suffirait d’utiliser le sentier de l’Orignac (qu’on rencontre au dernier jour du trajet) pour filer jusqu’à Saint-Siméon, au bord du fleuve Saint-Laurent.
La Traversée de Charlevoix travaille fort depuis l’an passé avec l’organisme à but non lucratif Sentiers Québec-Charlevoix à la réalisation de cet ambitieux projet. Il comprendrait notamment la construction d’un nouveau refuge écoénergétique, baptisé L’Orignac, la reconstruction du refuge du Bihoreau, actuellement fermé, ainsi que des emplacements de camping rustique.