Pour nos cœurs qui tiennent avec d’la broche
C’était la musique des Cowboys fringants qui accueillait les enfants ce matin dans la cour de l’école Madeleine-de-Verchères dans Rosemont. Il faisait super beau, les petits dansaient, les parents avaient les yeux mouillés. Je me suis dit que Karl Tremblay, le chanteur du groupe québécois mythique, qui nous a quittés hier, emporté par un cancer de la prostate à 47 ans, aurait aimé la scène. Je n’avais jamais vu pareille célébration à la mort d’un artiste.
Au moment où j’écris ces lignes, au garage, en attendant ma voiture qu’on prépare pour l’hiver, un employé raconte à son collègue qu’il allait à la polyvalente Jean-Baptiste-Meilleur de Repentigny en même temps que Karl, que c’est là que tout a commencé pour la formation. Juste avant, sur l’autoroute, une femme écoutait L’Amérique pleure à tue-tête dans son char, toutes fenêtres ouvertes. Les hommages dépassent l’espace médiatique, ils sont de l’ordre de l’intime. Les tounes des Cowboys parlent de nous, entre espoir et mélancolie, toujours ancrées dans le présent. On s’accroche à elles pour toucher au réel, y trouver un sens à travers le quotidien, avec ses grandeurs et misères. En français. Très important. Quand je vois mes enfants chanter Toune d’automne, La tête haute ou Sur mon épaule, ma préférée d’entre toutes, je me dis qu’il y a de l’espoir pour la langue française au Québec, donc pour notre identité dans toute sa merveilleuse diversité.
Les Cowboys, c’est aussi ça: nous garder liés les uns aux autres, célébrer notre Histoire, nos mythes, nos scandales, nos grèves, nos déchirements, nos pertes, nos deux solitudes… Leur musique garde notre mythologie vivante. Ce n’est rien de banal, c’est même fondamental pour continuer à cultiver notre québécitude, la célébrer, la danser, nous propulser aussi.
France Langlais, l’étoile filante
Au moment où Karl Tremblay quittait ce monde, un autre pilier du Québec, France Langlais, grande militante de l’ombre pour le français et l’indépendance, vice-présidente et secrétaire générale de la Société Saint-Jean-Baptiste, décédait, elle aussi, du cancer. Par le plus étrange des hasards, quelques minutes avant de s’éteindre grâce à l’aide médicale à mourir, elle visionnait une vidéo avec des hommages à son endroit. Comme musique de fond, Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste, qui l’accompagnait jusqu’à la fin, avait choisi Les étoiles filantes… «Je ne pensais pas qu’ils se croiseraient de l’autre côté», notait-elle.
Ça fait deux êtres engagés et passionnés de plus tout là-haut pour veiller sur nos priorités québécoises, pour nous aider à «patcher les trous». Mes sympathies à tous ceux qui aimaient Karl Tremblay et France Langlais. On se souviendra.