Toute l’histoire de Notre-Dame de Paris dans vos mains
À défaut de pouvoir visiter Notre-Dame de Paris, fermée jusqu’en 2024 pour cause de reconstruction, la cathédrale vient à nous grâce à une nouvelle manière de faire des expositions. Jusqu’au 30 décembre, Arsenal art contemporain accueille en primeur canadienne Notre-Dame de Paris, l’exposition augmentée, un concept développé par l’entreprise française Histovery. Après Dubaï, Paris, Washington, Dresde, Berlin, Shanghai et La Nouvelle-Orléans, c’est franchement épatant de pouvoir tenir Notre-Dame de Paris dans ses mains à Montréal.
Muni d’une tablette qu’on nous fournit à l’entrée, on plonge immédiatement dans le drame qui a frappé ce monument en avril 2019.
Au milieu d’une scénographie impressionnante, Notre-Dame de Paris, l’exposition augmentée nous raconte dans le détail comment le feu s’est propagé et a été combattu par les sapeurs parisiens.
Le parcours nous invite ensuite à naviguer dans l’histoire de ce monument du patrimoine de l’UNESCO, de la première pierre posée il y a 850 ans à la restauration en cours de l’édifice incendié.
L’exposition est constituée d’une vingtaine de stations qui agissent comme des puits de ravitaillement. Sur le mode du code QR, on télécharge les contenus de ces différentes «portes du temps» sur notre Histopad. Ce contenu est constitué de photos, de vidéos, de reconstitutions 3D et de courts textes.
On apprend alors un tas de choses à propos de ce monument gothique surgi du Moyen Âge: la sophistication de son concept architectural, les différentes méthodes de construction employées, les types de matériaux utilisés, la variété des corps de métier nécessaires à son érection.
Plusieurs comités d’experts ont contribué à rendre crédibles toutes ces informations historiques, et c’est bienvenu, car les 850 ans d’histoire de Notre-Dame de Paris ont été aussi riches en petits et grands miracles qu’en rebondissements qui ont transformé son allure au fil du temps. Qu’on pense à l’époque où elle arborait des couleurs dignes d’un film d’Almodovar ou la sinistre mine que son parvis a eue pendant les années suivant la Révolution de 1789.
La station qui relate le sacre impérial de Napoléon est fascinante. Les équipes de Histovery sont parties du grand tableau que le peintre Jacques-Louis David a réalisé à l’époque pour reconstituer en 3D ce moment marquant de l’histoire de la cathédrale. C’est fou, tout ce que cette toile, revisitée avec les connaissances historiques d’aujourd’hui, peut révéler.
Les textes qui accompagnent les détails qu’on isole sur notre tablette sont courts, mais consistants. Il n’y a pas de narration, donc pas d’écouteurs, seulement une bande-son d’atmosphère.
Le dernier tiers du parcours est consacré à la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Comme pour la partie traitant de la construction, on prend soin de présenter les différents corps de métier impliqués dans cette opération pour bien marquer que ce chef-d’œuvre architectural est d’abord et avant tout une réalisation humaine.
Cordiste, couvreur ornemaniste, charpentier, restaurateur de peinture, maître verrier, on ne peut qu’être admiratif de tous ces hommes et toutes ces femmes qui travaillent au meilleur de leur compétence à redonner vie à ce joyau du patrimoine mondial.
Les images sont là pour démontrer combien la tâche est colossale. On sent que toute la France est derrière ce gigantesque sauvetage. Même les forêts françaises ont été mises à contribution, sacrifiant 2 000 chênes debout pour les nouvelles charpentes.
L’Histopad est un formidable accompagnateur, mais la visite n’aurait pas un tel impact sans la scénographie imaginée par André de Sa Moreira.
De la moquette avec motifs de pavés ou de carrelage aux vitraux en trompe-l’œil, en passant par la gargouille géante et les photos d’une définition incomparable, rien n’a été épargné pour que l’immersion soit réussie.
À propos des photos, chacune est le résultat d’une savante superposition d’une quarantaine de poses de la même image imprimée sur une toile rétroéclairée.
La dernière station nous offre une carte de Paris au 17e siècle qui devient maquette 3D grâce à notre tablette magique.
En prime, l’arrêt montréalais de Notre-Dame de Paris, l’exposition augmentée donne à voir de très belles toiles de Wanda Koop inspirées de la cathédrale de Paris. Arsenal art contemporain a sorti ça de sa collection.
Un visiteur qui s’intéresse au contenu de toutes les stations passera trois heures à l’Arsenal. Des bancs sont prévus le long du parcours.
Si vous le pouvez, évitez les périodes plus achalandées pour pouvoir profiter de l’expérience dans le calme.
Les voûtes de l’ONF: le disque dur de 85 ans d’histoire du cinéma canadien
Restons dans le thème de la préservation du patrimoine.
Il y a cinq ans, je vous ai raconté ma visite des installations de l’Office national du film (ONF) sur la Côte-de-Liesse, avant le grand déménagement au centre-ville.
En février dernier, je vous ai entretenu du nouveau siège social situé dans le Quartier des spectacles.
Cette semaine, j’ai eu la chance de visiter le nouveau lieu où l’on conserve les archives de l’ONF, rien de moins que le produit de 85 ans de production.
Même si les voûtes ne seront jamais vraiment ouvertes au grand public, je pense qu’il est intéressant de faire connaître les efforts colossaux qui sont faits pour maintenir en bonne condition tout ce patrimoine cinématographique.
Dans le nouveau bâtiment de la rue Cousens dans l’arrondissement Saint-Laurent, il y a 15 employés qui veillent sur près de 200 000 éléments cinématographiques, photos et objets de collection. Il y en a sur tous les supports imaginables. 16 mm, 35 mm, super 8, Betacam, disque laser, quart de pouce, etc., plus d’une centaine de formats différents ont été utilisés à l’ONF depuis sa création.
Tout ce qui a été produit par l’organisation est conservé et plus que jamais se trouve sur support numérique. On évalue que 75% des plus de 14 000 titres ont été numérisés à ce jour.
On est ébahi par le peu d’espace que requiert le matériel numérisé sur cartouche par rapport au volume qu’occupent les boîtiers contenant les films.
En passant, il reste bien quelques boîtes en métal, mais depuis les années 2000, tout le matériel de tournage est conservé dans des boîtiers en polypropylène qui s’empilent sur les étagères neuves qui font 4,3 mètres de hauteur.
Ces nouveaux boîtiers jaunes, concept développé par un employé de l’ONF avec l’aide d’une compagnie de Québec (STIL), ont été adoptés à travers le monde. Ils laissent respirer le matériel et préviennent les champignons qui s’attaquent à la pellicule. Ce syndrome, responsable de la dégradation rapide des films, est appelé syndrome du vinaigre parce qu’il génère une forte odeur de vinaigre.
Il est important de mentionner que même numérisés, les films et leurs chutes demeurent conservés dans des salles à des températures très basses, jusqu’à six degrés, pour les éléments les plus fragiles. Les amateurs de statistiques aimeront savoir que le poids total de la collection est de 700 000 livres.
Pour montrer à quel point on ne lésine pas avec les archives, chaque copie a son double numérisé sur un type de support différent. L’ensemble de ces doubles se trouve dans un lieu tenu secret, qui pourrait même être dans un autre pays, laisse-t-on entendre.
Pourquoi toutes ces précautions? Parce que c’est une grande partie de la mémoire du Canada qui repose dans ces archives. Le plus vieux film date de 1919. L’ONF possède même le seul plan existant de la crête de Vimy après la bataille de 1917.
Tout ce trésor ne serait rien sans les artisans qui le protègent. Au fil de ma visite, je n’ai vu que des gens passionnés par leur travail. Il le faut pour ne pas se laisser submerger par la tâche. En plus de tous les documents du passé qui attendent toujours d’être répertoriés, indexés, nettoyés, restaurés, compris, interprétés, les employés des salles de conservation doivent gérer le flot incessant de nouveau matériel produit.
En effet, dès qu’une équipe termine un tournage de film pour l’ONF, elle s’empresse d’acheminer son matériel dans les serveurs de la rue Cousens pour qu’il y soit traité. Et ça n’arrête jamais à l’ONF! On compte une cinquantaine de nouvelles productions par année, toutes catégories confondues, et venant des quatre coins du Canada. Apparemment, c’est la doyenne des employés, Alanis Obomsawin, qui les tient le plus occupés, car elle n’arrête jamais de tourner et de recourir aux archives de la maison.
Je ne peux terminer sans dire un mot sur les joyaux autres que cinématographiques qu’on trouve sous ce toit.
Mentionnons-en quelques-uns en vrac: les Oscars obtenus au fil des ans, le storyboard du film Le chapeau de Michèle Cournoyer, la copie originale de la seule bande sonore que le musicien John Coltrane ait faite dans sa carrière, pour Le chat dans le sac de Gilles Groulx en 1964, et tous ces équipements vintage qui ont servi vaillamment le septième art pendant si longtemps, comme cette Nagra adaptée pour le cinéma direct, un style de tournage qui a longtemps fait la gloire de l’Office national du film.
En discutant avec les employés, on réalise qu’on est à une étape charnière de l’histoire du cinéma. Combien de temps dureront encore les vieilles machines comme la Steenbeck, qui permet de visionner les films sur pellicule? Qu’adviendra-t-il lorsque les artisans qui entretiennent ces appareils auront disparu? De vraies questions.
La bonne nouvelle, c’est que la technologie maintenant disponible pour numériser, avec fichiers numériques ouverts, semble vouloir être définitive, et évitera de devoir recoder toutes ces archives dans l’avenir.