Mamy Rock et Andie MacDowell
17 mai 2023Auteure : Avenues.ca

Texte présenté par la chaîne Planète+

Vieillir… un frein ou un moteur?

Culte de la beauté et de la jeunesse, de la performance, progrès technologiques en accéléré, la société est pleine d’embûches pour ceux qui franchissent le cap de la cinquantaine, surtout pour les femmes, creusant davantage l’écart entre les générations. Mais elles sont de plus en plus nombreuses à s’imposer et à faire mentir les préjugés. Et dans le cadre de la Semaine québécoise intergénérationnelle 2023, qui se déroule du 21 au 27 mai, la chaîne Planète+ présente deux documentaires passionnants sur le rapport à l’âge, Mamy Rock, le 21 mai à 20h30, et Re-Belles, le 22 mai à 21h.



La proposition de Planète+ est d’autant plus intéressante que les deux films présentent des images et des réflexions aux antipodes l’un de l’autre. Tandis que Mamy Rock nous raconte l’aventure d’une septuagénaire branchée qui faisait danser les jeunes sur la musique électronique pour créer un pont entre les générations, Re-Belles, pour sa part, met en lumière la difficulté de vieillir à l’écran pour les comédiennes, une réalité dure qui commence heureusement à changer.

Mamy Rock, l’histoire incroyable d’une très jeune personne âgée

Alors qu’elle se rend à l’anniversaire de son petit-fils dans un bar dansant de Bristol, au Royaume-Uni, Ruth Flowers, 79 ans, se retrouve au cœur d’une soirée de musique électronique tonitruante. Elle aurait pu se boucher les oreilles, repartir, mais au contraire, elle est séduite par ce qu’elle voit: des jeunes qui sautillent, dansent et s’expriment sur une musique dont le beat plaît à son oreille musicale. Dans les jours qui suivent, une idée fait son chemin: elle aimerait être DJ et faire danser les jeunes. Une façon pour elle d’actualiser ses connaissances musicales, mais surtout, raconte-t-elle, de mieux comprendre et dialoguer avec son petit-fils et les jeunes de sa génération.

Il faut voir Ruth évoluer dans sa maison de Bristol, remplie de fleurs qu’elle chérit, et où elle tricote, pour comprendre que le projet est ambitieux et plutôt surprenant. Mais le hasard fait bien les choses et met sur sa route un jeune producteur français, Orel Simon, qui décide de relever le défi, convaincu que Ruth a ce qu’il faut pour réussir. Il faut dire que la dame arrive avec un solide bagage musical, une formation classique de mezzo-soprano, et qu’elle a même déjà foulé les planches.

Pendant plusieurs mois, un DJ coach professionnel enseigne les rudiments techniques du mixage et des platines sur des consoles aux mille boutons et manettes, tandis que son producteur recrute une équipe pour le relooking de cette grand-mère qui compte séduire des foules de jeunes.

En quelques mois, Ruth Flowers a maîtrisé la console et les platines qui font l'essence du mixage des DJ.

Le look sera résolument bling bling, et ça fonctionne. Méconnaissable, mais sans perdre son essence, Ruth Flowers, née en 1931, se métamorphose en Mamy Rock DJ. Et c’est justement ce qui est intéressant dans l’histoire et la démarche de Ruth: elle garde son essence, impose son style, ses choix musicaux et son interprétation personnelle du djing. Grande fan de Freddy Mercury et des groupes rock ou musicaux des années 1950 jusqu’aux années 2000, elle intègre à la musique en vogue des pièces de son choix, qu’elle remixe en gardant le beat qui fait battre le cœur des jeunes.

Look bling bling, maîtrise de la platine, le personnage de Mamy Rock était lancé.

Fin de l’hiver 2010, Mamy Rock est fin prête et son producteur lui décroche le contrat qui allait tout changer. Elle fera une prestation à la soirée VIP du Festival de Cannes. Rien de moins. Le succès est fulgurant, la salle en redemande. La vie de Ruth Flowers vient de changer et, désormais, Mamy Rock fera partie des DJ qui comptent sur la planète. Dès le lendemain, le téléphone sonne de partout, même du Queen Club, un lieu mythique de la musique électronique, où elle gagnera ses lettres de noblesse comme DJ. Le reste est l’histoire d’un succès rocambolesque que le documentaire réalisé par Orel Simon, tourné en 2011, alors que Ruth a 81 ans, raconte très bien.

Il faut voir les images pour saisir la portée de cette histoire. Il faut voir ces jeunes en liesse, partout, dans toutes les grandes capitales du monde, du Japon à Broadway en passant par l’Europe, pour mesurer l’impact qu’elle a eu. Il faut voir la fierté de son petit-fils, la coquetterie de Ruth sur les tapis rouges et surtout la passion qu’elle a mise dans cette aventure. «Après 500 prestations, je n’ai toujours pas rencontré un seul DJ âgé, c’est surprenant, pourtant, c’est nécessaire de se rapprocher des jeunes, de vivre des choses avec eux. C’est une occasion de leur passer un peu de notre sagesse et de notre expérience et de créer des ponts entre les générations», dit-elle.

Mamy Rock avait bien raison, l’âge et l’expérience font une différence et ont fait dire à bien de ses jeunes fans: «Je voudrais que vous soyez ma grand-mère. À ne pas rater le 21 mai à 20h30 sur les ondes de Planète+.

Re-belles

Alors qu’elle n’avait que 25 ans, on demandait déjà à Catherine Deneuve si elle avait peur de vieillir. À 39 ans, Brigitte Bardot a quitté le cinéma, alors qu’on ne cessait de lui demander si elle appréhendait la quarantaine. Annie Girardot a fondu en larmes en recevant un César, après une absence de plusieurs années loin des caméras qui la boudaient en raison de son âge. Et si une poignée d’actrices célèbres comme Sophie Marceau, Isabelle Huppert ou Fanny Ardant continuent de tourner, pour la grande majorité des autres actrices, c’est le silence radio dès l’apparition des rides. Mais le vent change, nous raconte Sophie Pagès, réalisatrice de ce documentaire au titre formidable de Re-belles. À lui seul, ce film qui donne la parole aux femmes du métier est en soi un pas en avant. On y apprend notamment que si les femmes de 50 ans et plus représentent plus de 22% de la population française, elles ne décrochent que 7% des rôles!

Annie Girardot, en larmes, alors qu'elle reçoit le prix d'interprétation pour un rôle de soutien à la cérémonie des Césars.

Ce n’est pas d’hier qu’on parle de la difficulté pour les actrices de vieillir à l’écran, des rôles qui se raréfient une fois la quarantaine passée, de celles qui s’excluent volontairement de peur d’affronter la caméra impitoyable ou le regard critique du public. Les dictats de la jeunesse et de la beauté touchent toutes les sphères de la société, mais sur la Croisette ou à Hollywood, les actrices doivent composer avec la pression supplémentaire de l’objectif qui capte chaque détail.

Mais à l’heure du #metoo et de la prise de parole de plus en plus affirmée des femmes dans l’espace public, Sophie Pagès a été à la rencontre d’actrices qui témoignent de cette difficulté et qui, pour certaines d’entre elles, témoignent de leur détermination à renverser ces dictats.

Et elles doivent se battre. «Pour chacune d’entre nous qui sommes à l’écran passé 40 ou 50 ans, c’est une série de petites batailles incessantes», raconte l’une d’entre elles. Certaines actrices ne supportent pas cette pression et choisissent de quitter les plateaux. Ce fut le cas notamment d’Anne Brochet, qui a incarné la très jolie Roxanne dans Cyrano, mais qui se dit plus heureuse depuis qu’elle a cessé de tourner.

Isabelle Huppert est une des rares actrices de plus de 50 ans qui continuent de décrocher des rôles intéressants au cinéma.

Tandis que les hommes vieillissent en toute quiétude à l’écran et peuvent continuer de jouer les héros à 60 ou 70 ans, les femmes de plus de 50 ans sont souvent confinées dans des rôles de grand-mère ou de malade et critiquées sur leur apparence physique. Carrie Fisher, interprète de la princesse Léa, a dû essuyer une pluie de remarques injurieuses sur son apparence physique lors de ses apparitions sur le tapis rouge du retour de Star Wars, tandis que, de son côté, son compagnon de jeu, Harrison Ford, qui a plus de 70 ans, était adulé en héros.

L’actrice américaine Joan Collins déclare pour sa part: «Il y a un nombre fou d’actrices de 50, 60 et 70 ans qui ont carrément disparu des écrans et ce n’est pas qu’à Hollywood, c’est partout dans le marché du travail. Vieillir est interdit.» Au fil des ans, il y a eu bien sûr des exceptions comme Simone Signoret, mais ça reste encore l’exception.

La réalisatrice a rencontré non seulement des artistes, mais aussi des réalisatrices et réalisateurs, des agents d’artistes, un coiffeur, une maquilleuse, qui témoignent tous de cette difficulté, mais dont plusieurs ont décidé de ne pas s’y arrêter. C’est le cas de Claude Lelouch, à qui Annie Girardot doit cette seconde chance, qui explique pourquoi il est plus intéressé de filmer une actrice avec du vécu qu’une jeune à la peau lisse, mais sans profondeur.

Le vent tournerait aussi dans les magazines. Même le très sélect Elle France joue de plus en plus la carte de l’authenticité et de l’image de femmes plus âgées, soulignent les rédactrices.

Un espoir de changement qui a déjà plusieurs visages, notamment celui de Léa Drucker, une des actrices les plus recherchées du cinéma français et qui, après un passage à vide autour de la quarantaine, a décidé de forcer les portes et de changer son propre regard sur le vieillissement. Et ses efforts ont payé, elle a tourné sept films en 2022. Même son de cloche pour Liliane Rovère, qui après bien des hauts et des bas, souvent en raison de son âge, a finalement connu un succès inespéré avec la série 10%.

Et il faut voir Andie MacDowell esquisser quelques pas de danse sur le tapis rouge, affichant fièrement ses cheveux gris, pour comprendre que peut-être quelque chose est en train de changer.Et comme le disait Agnès Varda, une cinéaste pionnière dans la représentation des femmes de tous âges: «Vieillir, c’est si beau.» Un documentaire à voir, pour les témoignages, les images d’archives et la réflexion. Chapeau à la réalisatrice!
Re-belles sur les ondes de Planète+, le 22 mai à 21h.

Andie MacDowell sur le tapis rouge affiche fièrement ses cheveux gris. L'actrice revendique le droit d'être elle-même.

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