L’Égypte antique, une civilisation qui n’en finit plus de nous surprendre à Pointe-à-Callière
Cinq ans après avoir attiré 316 000 visiteurs avec son exposition Reines d’Égypte, Pointe-à-Callière propose une nouvelle incursion dans la civilisation égyptienne avec Égypte. Trois mille ans sur le Nil. Pour notre plus grand bonheur, le musée d’histoire montréalais peut de nouveau compter sur la collaboration du prestigieux Museo Egizio de Turin, en Italie. Jusqu’au 15 octobre, c’est plus de 300 objets issus de l’Antiquité qu’on peut admirer sur les deux étages de la Maison-des-Marins, place d’Youville.
D’une exposition sur l’Égypte, on s’attend qu’elle nous montre des sarcophages et des momies. La nouvelle présentation de Pointe-à-Callière n’y manque pas, mais il faut attendre d’arriver au deuxième palier pour voir ce genre de pièces.
La première partie se consacre plutôt à la vie quotidienne, et ce n’est pas moins intéressant. Il y a tant à apprendre de la vraie vie. Cela nous permet de faire des comparaisons avec celle d’aujourd’hui.
Avant tout, il y a ce rapport que les Égyptiens ont entretenu avec le Nil pendant 3 000 ans avant notre ère. Ce fleuve a été providentiel pour cette civilisation. Le Nil nourrit la population avec ses ressources marines, permet d’irriguer les terres et de favoriser l’agriculture, et il est un formidable axe de transport.
Au début du parcours de l’exposition, on voit comment la vie des riverains s’organise. Pas moins de 80% de la population travaille à la culture de la terre. On apprend que la majorité des Égyptiens ne mange pas de viande, que les enfants commencent à travailler à cinq ans (les garçons aux champs, les filles aux tâches domestiques), que dans cette société très axée sur le travail, l’activité physique est valorisée. On découvre aussi qu’il existe un sport qui ressemble au hockey sur gazon et que l’apprentissage de la nage est obligatoire.
Sans surprise, la population aime se rassembler pour entendre des histoires de dieux, de héros et de fantômes.
Bref, l’exposition nous démontre qu’on n’a rien inventé et qu’on gagnerait parfois à s’inspirer de ceux qui nous ont précédés sur terre. Cela m’a particulièrement frappé lorsqu’on nous parle de l’importance de l’écriture.
Voici ce qu’on peut lire au-dessus de l’écran interactif où on peut traduire son nom en hiéroglyphes:
«Comme l’État emploie des centaines de fonctionnaires et que son entretien nécessite des ressources considérables, il faut imposer un tribut. Celui-ci doit être calculé grâce à un recensement de la population et à une enquête générale sur les stocks agricoles. Des opérations impossibles sans l’écriture.»
Quand même!
Dans une autre salle, c’est de l’importance de la hiérarchie qu’il est question.
L’architecte, le vizir, le scribe, le monarque, le prêtre, le noble, l’artisan, le militaire, l’agriculteur, on fait de l’ordre dans ce diagramme en pyramide en replaçant l’importance de chacun de ces personnages qu’on a vus dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre. Évidemment, on sait tous qu’ils sont sous le pharaon. «Le phare à qui?, le phare à On, le chef de nous», comme le disait le personnage de Numérobis incarné par Jamel Debbouze.
Face à une magnifique sculpture du pharaon Amenhotep, un tableau replace aussi, dans une ligne du temps, les six plus grands noms qui ont régné sur l’Égypte en plus de 3 000 ans d’histoire. Ils ont été beaucoup plus nombreux que ça, bien sûr. Selon les égyptologues, entre 190 et 260 pharaons se sont succédé sur le trône.
Vous m’avez suivi jusqu’ici? Tant mieux, car le plus spectaculaire est à venir.
Cette exposition accorde une place importante à la manière dont les Égyptiens mettent leur mort en scène.
C’est la totale. Il y a des sarcophages pour les momies, des momies décorées de perles, des vases canopes pour les viscères, des stèles pour rappeler la mémoire des défunts, des cônes funéraires pour perpétuer le nom, des tables d’offrande, et tous ces artéfacts sont dans un état remarquable malgré le poids des années.
En prime, l’exposition s’intéresse à un aspect moins connu de la vie quotidienne que les mortels amènent avec eux dans la mort: les animaux domestiques, considérés comme des manifestations des dieux. On peut admirer différentes momies et sculptures de chats, de chiens, de serpents, de poissons.
C’est là qu’intervient Christian Greco. Le directeur du Museo Egizio nous met en garde de penser que les Égyptiens sont obsédés par la mort. Au contraire, selon lui, le soin qu’ils apportent à leurs rites funéraires est un investissement dans leur prochaine vie dans l’au-delà.
Par exemple, pour s’éviter de devoir travailler dans les champs une fois décédé, vaut mieux prévoir avoir dans son tombeau des oushebtis, des statuettes qui verront à faire ce travail harassant.
Les pyramides et les nécropoles n’ont pas fini de livrer leurs secrets. Le mois dernier, on annonçait que des recherches archéologiques dans le temple de Ramsès II avaient permis de découvrir plus de 2 000 têtes de béliers momifiés.
C’est dire à quel point cette exposition présentée à Pointe-à-Callière est d’actualité même si elle nous transporte dans l’Antiquité.
Profitons-en, puisqu’il s’agit d’une exclusivité nord-américaine. Après Montréal, ce condensé d’histoire ancienne retournera à Turin, en Italie, à temps pour la célébration, en 2024, du 200e anniversaire du Museo Egizio, qui possède une des plus importantes collections d’art égyptien dans le monde.