Réinventer l’école
Trois personnalités publiques — Ricardo Larrivée, Pierre Lavoie et Pierre Thibault — unissent leurs forces derrière le projet Lab-école pour «développer les concepts» d’écoles dont le Québec pourrait être fier. D’un point de vue architectural, de quoi devraient-ils s’inspirer? Voici quelques exemples remarquables.
Les écoles inspirantes ne manquent pas sur la planète. Sur Avenues.ca, nous avons déjà abordé la question en 2015 dans l’article L’architecture pour les enfants. Une école flottante, un pavillon super lumineux et (peut-être) la meilleure école maternelle du monde y étaient présentés. Une école dont le design est inspiré de dessins d’enfants nous a également fait rêver en 2016. Depuis, les projets se sont multipliés. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la catégorie Écoles du dernier World Architecture Festival (WAF) pour s’en convaincre.
L’école allemande de Madrid
Les architectes de la nouvelle école allemande de Madrid, qui a reçu le prix du WAF 2016, ont dû relever un grand défi: rassembler une école maternelle, une école primaire, une école secondaire et 1800 étudiants en un seul et même endroit.
La firme Grüntuch Ernst Architects a choisi de clairement diviser les unités et de doter chacune d’une cour intérieure. Les terrasses permettent aux élèves d’admirer le paysage et les montagnes des environs. De leur côté, les ouvertures en forme d’alvéoles leur fournissent de l’ombre. L’intérieur est baigné de lumière. Les classes sont séparées, mais les bâtiments sont reliés par les espaces communs: un auditorium, une cafétéria et un gymnase. L’architecture simple, mais forte, et le recours aux mêmes matériaux pour l’ensemble des édifices créent aussi une certaine cohésion.
Plus qu’une école, les concepteurs espèrent avoir créé un centre culturel et un lieu de rencontre pour la communauté locale.
L’école primaire DSSI
Le cabinet Daniel Valle architects a revampé l’école primaire DSSI de Séoul de belle façon. Les dirigeants de l’école souhaitaient optimiser l’espace, avoir des classes de taille identique et trouver un endroit pour pratiquer des activités communes (étude, jeu, réunion, etc.).
Les architectes ont eu l’idée d’installer des murs pivotants qui donnent la possibilité de reconfigurer les lieux. Ceux-ci sont opaques dans le bas, puis le verre prend le relais pour laisser entrer la lumière naturelle. Les murs servent aussi de rangement, entre autres pour les coussins où les enfants s’assoient, ce qui libère de l’espace dans les classes. La disposition permet de partager un coin tout en offrant une certaine intimité à ceux qui en ont besoin.
Le concept est coloré sans être criard et sa polyvalence répond aux attentes de l’école.
L’école secondaire Hessenwald
À Weiterstadt, en Allemagne, 700 adolescents ont maintenant une école résolument moderne. Le nouvel édifice est divisé en trois pavillons qui se regroupent autour d’une salle centrale où se retrouvent l’auditorium, la salle de musique et la salle de loisirs. Peut-être parce que c’est une école secondaire et non une école primaire, les couleurs sont ici effacées. Le bois et la pierre sont à l’honneur. Les lieux sont bien éclairés, mais le pare-soleil perforé filtre la lumière du jour, un peu comme les arbres le font dans le bois. Le tout dégage un sentiment de sérénité (un sentiment qui était totalement étranger à la polyvalente de l’auteure de ces lignes!).
wulf architekten a intégré une zone de lecture à chaque niveau, tandis que la cour extérieure qui longe la forêt peut s’adapter à différentes fonctions, comme une pépinière ou un jardin.
Et au Québec?
Les écoles désuètes et mal adaptées ont fait la manchette dans les dernières années au Québec. Ça ne veut pas dire que les bonnes idées ne prennent pas forme. Avec souvent trois fois rien, certains ont mis sur pied des initiatives dignes de mention.
C’est le cas notamment de Design 375º, un projet du 375e anniversaire de Montréal qui cible les écoles publiques de la métropole. 10 000 élèves embelliront l’extérieur de 25 écoles de l’île. Les élèves du primaire ou du secondaire travailleront avec des étudiants universitaires, des professionnels du design, des entreprises locales et des citoyens du quartier pour concevoir les nouveaux espaces. Au total, ils investiront 375 000 heures pour améliorer leurs milieux de vie.
Autre belle réalisation: l’Académie Sainte-Anne. Taktik design a réussi un coup de maître en concevant une école primaire du XXIe siècle dans un édifice patrimonial construit en 1896. Le bâtiment de 120 000 pieds carrés est dorénavant lumineux et coloré. L’environnement ludique a été conçu pour que les élèves se l’approprient. Les lieux sont décloisonnés et on y retrouve des salles thématiques comme une serre ou un théâtre. La firme montréalaise a d’ailleurs reçu trois Grands Prix du design pour cette réalisation, dont celui de projet de l’année. Le jury a unanimement salué la force du concept.
Ces initiatives redonnent du lustre à nos écoles mal-aimées, mais elles ne suffiront pas sans investissement ou sans vision d’ensemble. Une réflexion plus large, qui tient compte de l’architecture et de l’aménagement, mais également de la démarche pédagogique, sera nécessaire si l’on veut vraiment réinventer l’école québécoise.