La sérigraphie publicitaire à l’affiche
Et si on parlait d’affiches cette semaine? Pas de celles qui envahissent notre champ visuel et dont la principale utilité sera de mettre un visage sur les noms apparaissant sur notre bulletin de vote le 1er octobre, mais d’affiches qui résistent au temps et aux modes.
Je suis allé voir pour vous deux expositions étonnantes qui célèbrent l’art de la sérigraphie publicitaire d’hier à aujourd’hui. L’une au Musée des maîtres et artisans du Québec dans l’arrondissement Saint-Laurent, et l’autre au Centre de design de l’UQAM.
Hormis les affiches, il y a un dénominateur commun à ces deux expositions, et j’ai nommé Marc Choko. Le commissaire des deux événements collectionne les affiches depuis son adolescence. Il y a 55 ans, lorsque sa mère lui a demandé ce qu’il voulait pour ses 16 ans, le jeune Marc a jeté son dévolu sur une affiche annonçant une marque de chaînes de vélo! Il faut dire que c’était une femme à poil qui moussait le produit.
Aujourd’hui, la collection de Marc Choko compte des milliers d’affiches, mais celle qui a lancé son hobby n’existe plus. «C’était une très mauvaise affiche, admet ce collectionneur aux goûts très arrêtés. 99% des affiches ne sont pas réussies. Pour se démarquer, il faut travailler l’illustration, le texte, la composition et l’intégration de tout ça. C’est un art extrêmement difficile.»
Le professeur émérite du Centre de design de l’UQAM a donc monté l’exposition L’art de la sérigraphie publicitaire au Québec dans le but d’offrir une reconnaissance à des artistes qui se sont distingués dans cette discipline de 1957 à 2014. Mentionnons entre autres Vittorio, Yvan Adam, Gilles Robert, Michel Fortier, Gitano, Tomasz Walenta et Gérald Zahnd.
«Il ne reste pas grand-chose de ce patrimoine. L’affiche n’est pas conservée. Les musées font très peu à ce chapitre. Malgré le dépôt légal obtenu en 1992, il est très rare qu’on respecte cette obligation de remettre aux Archives nationales un exemplaire d’une affiche produite, même chez les organismes publics.»
Marc Choko nous offre donc quelques pépites de sa collection, comme une rare affiche de l’artiste Charles Daudelin pour la pièce d’André Langevin L’œil du peuple, présentée à l’Orpheum.
Certaines, réalisées il y a très longtemps, auront encore l’heur de provoquer, d’autant que les œuvres sont exposées dans un musée qui loge dans une ancienne église qui a encore tous ses attributs, notamment de magnifiques vitraux.
J’ai particulièrement goûté le travail de Normand Hudon. Ses affiches annonçant Guilda au cabaret Chez Gérard et Pauline Julien et Clémence Desrochers au Saint-Germain-des-Prés sont joyeuses et invitantes. Elles ont aussi un côté documentaire.
«Normand Hudon était caricaturiste, mais il faisait de l’affiche pour manger, raconte Choko. La sérigraphie, ça ne coûtait pas cher à faire et les théâtres et les cabarets y avaient beaucoup recours. Les groupes sociaux et communautaires ont également fait appel à cette technique pour communiquer leurs messages.»
Il y a un beau spécimen pour démontrer que la sérigraphie peut être un art de combat. Il s’agit d’une affiche de Bernard Vallée appelant au boycottage des raisins et des laitues de la Californie avec le vilain Dominion Scab qui s’en prend aux travailleurs agricoles dans le style des comic books de Marvel.
Un Québécois et un Belge au Centre de design de l'UQÀM
La simplicité de la sérigraphie fait qu’on utilise encore ce procédé, notamment dans le milieu de la musique underground, et c’est justement le travail de deux artistes très actifs dans ce domaine qu’on peut voir au Centre de design de l’UQAM.
L’exposition Non conforme présente 36 sérigraphies du Québécois Sébastien Lépine et autant de sérigraphies et digigraphies (procédé d'impression réalisé en technique numérique sur des imprimantes à jet d'encre grand format) du Belge Elzo Durt.
On dit qu’ils font du gigposter. Leurs affiches servent à annoncer des concerts, mais elles sont si sophistiquées et en tirages si limités que les amateurs les collectionnent pour ce qu’elles sont: de véritables œuvres d’art.
Relève de la garde
Surveillez bien ces deux lieux où l'on expose présentement des affiches, car ils sont sous de nouveaux auspices. Perrette Subtil vient de prendre la relève de Pierre Wilson, qui a œuvré au Musée des maîtres et artisans du Québec pendant 15 ans, et Louise Pelletier est la nouvelle directrice du Centre de design depuis juin, en remplacement de Bökur Bergmann qui occupait ce poste depuis 2012.