Reines d’Égypte à Pointe-à-Callière: un rendez-vous avec l’Histoire
Sarcophages, momies, fresques, statues monumentales; ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir en nos terres ce que l’Égypte antique a légué en héritage à l’humanité. Si je vous parle cette semaine de la grande exposition Reines d’Égypte, à l’affiche du Musée Pointe-à-Callière depuis le 10 avril, c’est pour dire à tous ceux qui ne l’ont pas vue de ne pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire avec un grand H. Déjà 300 000 personnes l’ont visitée, un record de fréquentation pour l’institution. Faites vite, il ne reste que deux semaines à cet événement qui est aussi une célébration du pouvoir des femmes.
Depuis son ouverture en 1992, le Musée Pointe-à-Callière de Montréal nous a habitués à des expositions de grande envergure. Avec Reines d’Égypte, on constate que la volonté de sa directrice, Francine Lelièvre, ne faiblit pas.
Francine Lelièvre a des contacts partout dans le monde et la confiance des plus grandes institutions muséales. Cette fois-ci, c’est le Musée Egizio de Turin, en Italie, qu’elle a convaincu de laisser sortir quelques-unes de ses plus belles pièces au bénéfice du public montréalais.
Le Musée Egizio possède la plus importante collection égyptienne après celle du Musée du Caire. Plus de 30 000 œuvres! Cette collection a été constituée en grande partie par Ernesto Schiaparelli, un archéologue et égyptologue qui a mené plusieurs campagnes de fouilles, notamment dans la vallée des Reines, où il a découvert la sépulture de Néfertari, l’épouse de Ramsès II.
Les 350 objets exposés à Montréal permettent de nous plonger dans une civilisation raffinée et sophistiquée jusque dans la manière égalitaire de traiter les femmes. Il y a 3 500 ans, la femme égyptienne a eu une place beaucoup plus importante dans la société que chez les Grecs ou les Romains. Elle pouvait être régente ou pharaonne, manger et boire avec les hommes, divorcer, recevoir ou transmettre son héritage. Elle avait une grande mainmise sur l’éducation de ses enfants.
Des stèles en couleur, des bijoux, des colifichets, des sculptures de chats, des amphores, des statues monumentales, bref, des objets de toutes les formes et de tous les usages nous racontent à quoi pouvait ressembler cette société.
Une salle complète recrée le harem égyptien, vaste domaine autonome au cœur du palais, à la fois havre de paix, temple de beauté et lieu d’éducation des enfants, où les femmes entrent et sortent en toute liberté. Le harem est même devenu le théâtre de complots contre le pharaon selon ce que nous raconte un papyrus qui a traversé les âges. Quand on pense à tout ce que nous avons sauvegardé sur des disquettes aujourd’hui hors d’usage ou envoyé par fax, documents maintenant illisibles, on relativise la prétendue supériorité de notre époque.
La partie la plus saisissante de la visite est celle qu’on a gardée pour la fin, et qui s’attarde à l’extraordinaire souci que les Égyptiens accordaient aux rites funéraires. Le sarcophage est certainement une des images les plus fortes de la civilisation égyptienne. Eh bien, l’exposition du Musée Pointe-à-Callière nous en met plein la vue avec plus d’une dizaine de sarcophages en bois et même celui de Néfertari, en granit, tel que l’a découvert Schiaparelli en 1904.
J’ai eu l’occasion dans ma vie de voir les collections égyptiennes du MET à New York, celles du Louvre à Paris ainsi que celles du Neues Museum de Berlin. Dans ces grands musées encyclopédiques, la présentation des artéfacts a toujours un côté austère. À Pointe-à-Callière, la mise en scène est autrement plus vivante. Francine Lelièvre a eu l’audace d’aller cogner à la porte du producteur de jeux vidéo Ubisoft pour dynamiser la scénographie de son exposition. Elle a demandé à Ubisoft l’autorisation de diffuser dans les salles d’exposition des images et du son tirés de son jeu Assassin’s Creed Origins, sorti il y a à peine un an, et dont l’action se passe dans l’Égypte du Nouvel Empire. Belle façon d’intéresser le jeune public à l’histoire de l’Antiquité.
Alors que l’exposition Reines d’Égypte célèbre le pouvoir des femmes égyptiennes, je terminerais en disant que nous sommes chanceux à Montréal d’avoir une directrice de musée comme Francine Lelièvre, qui a de grandes idées, la capacité de les réaliser et l’audace de bousculer les codes de la muséologie. Et elle n’est pas la seule, Nathalie Bondil, du Musée des beaux-arts, et Danièle Sauvage, du McCord, pour ne nommer qu’elles, ont le même tempérament. Avec ces femmes aux commandes de nos grandes institutions, ce n’est jamais plate d’aller au musée.