Pour les 25 ans de La Petite Vie, les Paré s’exposent à Pointe-à-Callière
Après Reines d’Égypte, plus grand succès de l’histoire du Musée Pointe-à-Callière, place au couple royal du petit écran québécois depuis 25 ans: Moman et Popa. Jusqu’au 7 avril, le musée d’histoire de Montréal nous offre d’entrer dans l’intimité de la famille Paré avec l’événement La Petite Vie, une exposition qu’on rit!
S’assoir dans la Chevrolet familiale de Popa, porter le bonnet de Moman ou la perruque de Thérèse, dormir debout, danser La bamba avec Réjean, essayer de déjouer la montre-détecteur de mensonges, il y a beaucoup de plaisir à y avoir dans cette exposition, qui a néanmoins été préparée avec le sérieux et la rigueur habituels du Musée Pointe-à-Callière.
La directrice de l’institution, Francine Lelièvre, n’a pas peur d’être éclectique. «Nous sommes un musée d’histoire et notre réputation nous permet d’attirer les trésors les plus anciens de la planète, mais il y a aussi dans notre mission le devoir de mettre en valeur ce qui a façonné la culture montréalaise. On a fait des expositions sur l’histoire de la téléphonie, du hockey, de la rue Sainte-Catherine, sur la venue à Montréal des Beatles. L’émission La petite vie fait partie de notre patrimoine immatériel et l’impact qu’elle a eu, et continue d’avoir, justifie le fait qu’on s’y intéresse.»
Mme Lelièvre a attendu le moment opportun pour se lancer dans cette opération. L’idée d’un hommage à La Petite Vie lui avait été présentée il y a quelques années par Luc Wiseman, producteur de l’émission chez Avanti, et membre du conseil d’administration de la Fondation du Musée Pointe-à-Callière. À l’époque, Francine Lelièvre n’avait pas de place dans son calendrier pour accepter le projet, qui a plutôt vu le jour au Musée de culture populaire de Trois-Rivières, où la proposition a connu un franc succès.
L’exposition nous revient cinq ans plus tard alors qu’on célèbre le 25e anniversaire de La Petite Vie. C’est une version considérablement enrichie. On compte une trentaine d’extraits vidéo, un record au Musée Pointe-à-Callière.
La chargée de projet, Christine Dufresne, estime qu’il y a au moins le double de contenu de plus qu’à Trois-Rivières, ce qui permet notamment de raconter les origines de la célèbre série et de faire une large place à l’impact qu’elle a eu au fil des ans.
Pour la genèse, on a rassemblé une multitude d’artéfacts allant des cabanes d’oiseaux de Marcel Meunier (le paternel de Claude) aux affiches des premiers spectacles auxquels le géniteur de La Petite Vie a collaboré. Il y a, pour raviver notre mémoire, des extraits de la pièce Les voisins et de Ding et Dong aux Lundis des Ha! Ha!, des moments qui annoncent la révolution qui va déferler dans le domaine de l’humour.
Dans cette nouvelle mouture de l’exposition La Petite Vie, il y a aussi plus de décors à visiter et davantage d’interaction possible. En plus de la cuisine, du salon et de la chambre à coucher, on peut se promener dans la cour des Paré, traversée par la corde à linge de Thérèse, aller dans l’établi de Popa, frôler ses sacs de vidanges ou se poster devant la porte d’entrée de la maison pour accueillir les invités-surprises.
Ce montage d’arrivées impromptues de vedettes chez les Paré est jubilatoire. Richard Séguin, Michel Dumont, Stéphane Rousseau, Marina Orsini, ils ont été plus d’une centaine à nous surprendre par leur présence. Céline Dion est la seule qui avait été gardée secrète, y compris auprès des comédiens, raconte Claude Meunier.
«Lors de l’enregistrement, c’est Ding et Dong qui se présentaient à la porte. Après le départ du public, on a refait la scène avec Céline. Ça a créé tout un effet en studio. Marc Labrèche avait les yeux gros de même! On a aussi enregistré un sketch avec Céline qu’on a improvisé sur-le-champ. Ce n’était malheureusement pas très réussi et on ne l’a pas gardé. C’est la seule fois qu’on a coupé une scène au montage.»
L’exposition documente également tout ce qui concerne la production de l’émission. Les décors, les accessoires, les costumes sont bien mis en valeur. Les perruques de Thérèse nous apparaissent comme de véritables sculptures, les jaquettes de Moman, comme des trésors d’artisanat, et le mobilier… comme le triomphe du kitch. Reconnaissant, Claude Meunier avance que tous les concepteurs associés à La Petite Vie ont contribué à décupler le surréalisme de son écriture.
Toute la portion qui concerne la réalisation de l’émission s’avère aussi extrêmement intéressante. Quand on voit l’impressionnante maquette du plateau de télévision, on prend la mesure du paquebot que cette émission représentait. Arriver à mettre en boîte 59 épisodes, dans les temps, avec des acteurs sur le 220 et un public en studio qui réagit au quart de tour, dans la bible de la télévision, les réalisateurs Josée Fortier et Pierre Séguin doivent certainement être crédités pour plusieurs miracles.
Claude Meunier raconte qu’il a écrit La Petite Vie loin du tumulte, dans le calme de sa campagne. Sans se soucier des cotes d’écoute, ajoute-t-il, même si elles ne cessaient de gonfler d’un épisode à l’autre pour atteindre, un jour, le chiffre record de 4 millions de téléspectateurs.
Il admet cependant qu’il a trouvé difficile au début d’écrire des formats d’une demi-heure.
«Quand tu enlèves le temps de la publicité, il ne reste qu’une vingtaine de minutes. C’est peu pour raconter une histoire. Je n’hésitais pas à récrire des bouts en plein enregistrement pour aller chercher plus de réactions du public.»
La dernière salle de l’exposition est comme une apothéose avec entre autres ses bloopers qui vous feront crouler de rire et une recension très exhaustive de tout ce que cette émission a généré dans son sillage. Entre 1994 et 2003, La Petite Vie a remporté 21 prix Gémeaux, 3 Félix et 1 Olivier, des universitaires se sont penchés sur le phénomène et les Suisses ont créé leur propre version. Dans un esprit proche du documentaire, on nous rappelle même que le New York Times s’est déjà penché sur ce succès.
Claude Meunier: «Dès le début de l’entrevue avec le journaliste Anthony DePalma, du New York Times, j’ai compris qu’il avait un biais. Son angle était de montrer que les Québécois avaient quelque chose de consanguin. C’était sa façon d’expliquer à la fois la personnalité des personnages et les 74% de parts de marché qu’on allait chercher avec notre émission. Je lui ai plutôt fait comprendre que les consanguins ce n’était pas nous en lui disant qu’au Québec, en même temps qu’on valorisait notre culture, on écoutait aussi la télévision américaine parce qu’on parlait deux langues et qu’en plus on était au courant de ce qui se passait en France.»
Il est amusant de rappeler que, dans son article, M. DePalma avait mal écrit le titre de l’émission parlant de Le petite vie.
20 ans après cette entrevue, le journaliste du New York Times serait probablement surpris d’apprendre que La Petite Vie a maintenant sa place au musée et que, 25 ans après sa création, la télévision de Radio-Canada vient de renouveler son contrat avec la maison de production Avanti pour la diffusion en reprise des 59 épisodes et des 3 émissions spéciales au cours des 5 prochaines années. De quoi mériter une place au musée!