La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

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Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Aller ou non aux États-Unis pour les vacances?

Le soir où nous avons assisté, impuissants, à l’élection de Donald Trump, mon mur Facebook s’est rempli de statuts de voyageurs qui juraient ne plus vouloir mettre les pieds aux États-Unis pendant son mandat. Quelques mois plus tard, je tombe encore régulièrement sur des commentaires similaires. Comment avoir envie d’aller dans un pays quand on exècre tout ce qui sort de la bouche de son dirigeant? J’avoue être plongée dans les mêmes réflexions.



Une dizaine de jours après les élections, j’ai fait escale à Porto Rico. Dans cet État libre associé, les habitants détiennent un passeport américain, mais n’ont pas le droit de vote. «Ce n’est pas notre faute!» se sont excusées plusieurs personnes à qui j’ai demandé l’avis sur la question. Les points de vue restaient toutefois partagés. Dans un restaurant, un serveur m’a avoué qu’il préférait de loin voir Trump à la tête du pays qu’Hillary Clinton.

Au bar d’un hôtel, un couple de New-Yorkais en vacances avait encore du mal à encaisser le choc. À la même période, pourtant, une collègue en croisière avec des Américains écrivait sur Facebook n’avoir croisé que des citoyens enthousiastes face à l’arrivée du nouveau président élu.

L’impact du décret migratoire

Depuis, pas mal d’eau a coulé sur les ponts… et d’encre dans les journaux. À la fin de janvier, le journaliste Mark Bulgutch du Toronto Star invitait les Canadiens à éviter tout voyage aux États-Unis en guise de protestation. «Comme citoyen ordinaire, nous pouvons faire quelque chose, écrit-il. Nous pouvons dire au président que s’il ferme la porte aux gens qui ne méritent pas un traitement aussi dur, nous n’utiliserons pas la porte qu’il a laissée ouverte pour nous. Nous cesserons de visiter les États-Unis.»

Devant la crainte que des étudiants soient stoppés à la frontière par le décret de Trump interdisant l’entrée aux États-Unis aux citoyens de sept pays, des écoles réévaluent l’organisation de leurs déplacements aux États-Unis, comme l’a rapporté La Presse Canadienne.

Des chroniqueurs québécois ont aussi pris position. Yves Boisvert de La Presse a récemment affirmé qu’il n’ira pas au Maine comme il a l’habitude de le faire. Il a cependant parlé d’un «mouvement d’humeur personnel» plutôt que d’un boycottage. Contrairement à Mark Bulgutch, M. Boisvert ne croit pas que sa décision aura un impact. «Ce serait ridicule de penser influencer les politiques américaines en se privant de clam chowder du Maine», a-t-il lancé à son collègue Patrick Lagacé. Quelques jours plus tard, ce dernier a raconté avoir reçu des dizaines de messages de Québécois ayant des réflexions allant dans le même sens: l’envie d’aller aux États-Unis n’y est tout simplement pas.

Photo: Jakob Owens, Unsplash
Photo: Jakob Owens, Unsplash

Les étrangers remettent aussi leurs voyages en question

Il n’y a pas que les Canadiens qui se questionnent. Le 14 février dernier, Le Figaro rapportait que 61% des Français remettent en question leurs projets de voyage aux États-Unis. Le lendemain, Europe1 titrait «Les voyages vers les États-Unis en baisse depuis l’investiture de Trump».

«D’après la quasi totalité (sic) des sites spécialisés dans la comparaison des prix des vols, les touristes français se détournent des États-Unis, apprend-on dans l’article. Les recherches concernant les États-Unis sont ainsi en baisse de 30% sur Liligo depuis le début de l’année. Chez Kayak, on enregistre -23%. Le syndicat national des agences de voyage (sic) (Snav) confirme: si les voyages d’affaires sont plutôt en hausse, le tourisme de loisir est en baisse de 2 à 3% par rapport à janvier 2016.»

Le mois dernier, des experts cités par Forbes ont prédit que le décret de Trump causera des dommages sévères à l’industrie touristique américaine.

Certains décident, au contraire, de se rendre aux États-Unis pour tenter de mieux comprendre. C’est le cas de la blogueuse Lucie Aidard de Voyages et Vagabondages. «Passé le premier choc, ma colère et mon envie de vomir et donc par conséquent, mon envie de boycotter les États-Unis, je suis très vite revenue sur ma position», affirme-t-elle. Pour elle, ce sera de «parler politique et tenter de comprendre», comme elle le fait ailleurs.

Où aller, sinon?

Yves Boisvert dit avoir choisi Charlevoix pour ses vacances d’été. Le journaliste spécialisé en tourisme Gary Lawrence croit pour sa part que le Canada, qui avait déjà le vent dans les voiles, entre autres à cause du 150e anniversaire du pays, deviendra une destination de choix pour plusieurs voyageurs d’ici et d’ailleurs.

Si vous avez malgré tout envie de vous rendre aux États-Unis mais préférez les États qui n’ont pas voté pour Trump, le magazine Évasion a préparé une liste de «10 villes sans trumperies».

Pour ma part, je n’arrive pas à trancher. Comme plusieurs, l’idée d’aller de l’autre côté de la frontière depuis l’élection de Trump ne m’enthousiasme pas. Je ne dis pas que je n’irai pas, mais il faudra un sacré élan du cœur pour m’y pousser. En attendant, le reste de la planète m’appelle, à commencer par le Canada.

«Attendez quatre ans, écrit Mark Bulgutch. Nous pouvons espérer que la présidence de Trump prendra fin. Le Grand Canyon sera toujours là. Le Golden Bridge. Mount Rushmore. Disney World. Ils seront tous là. Et avec un peu de chance, la statue de la Liberté sera toujours là elle aussi.»


Pour en savoir plus

Time to boycott vacations to the U.S.

Mark Bulgutch

30 janvier 2017

The Star

Qui a peur des États-Honnis de Trump?

Gary Lawrence

17 février 2017

L'Actualité

US tourism experiences a 'Trump slump'

Will Coldwell

28 février 2017

The Guardian