L’arbre est dans ses feuilles et l’art est dans la rue
Après les quelques journées de soleil qu’on vient de vivre, est-ce qu’on peut enfin croire à l’arrivée de la belle saison? Je l’espère, parce que Montréal, qui est en fête, nous offre plein de belles occasions de sortir dehors. C’est le cas de la grande exposition La balade pour la paix présentée sur la rue Sherbrooke depuis le 5 juin.
Quelle idée extraordinaire! Pour le 375e anniversaire de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a décidé de sortir l’art dans la rue, à la vue de tous, faisant de la rue Sherbrooke, entre Robert-Bourassa et Bishop, une galerie à ciel ouvert. Et on n’a pas lésiné. Le design du parcours a été confié à l’architecte Claude Cormier et le mobilier urbain au designer industriel Michel Dallaire.
Pour rappeler l’esprit de l’exposition universelle de Montréal, dont on célèbre le 50e anniversaire cette année, on a pavoisé la rue de drapeaux de tous les pays. Il y en a plus de 200, et ils sont tous identifiés le long du parcours. On ne se couchera pas niaiseux! Cette seule initiative met déjà un air de fête sur la belle et prestigieuse artère du centre-ville fraîchement refaite avec de beaux trottoirs aussi lisses que larges.
Pour ce qui est du contenu de l’exposition, c’est prodigieux. Nathalie Bondil et Diane Charbonneau, du MBAM, de concert avec l’historienne de l’art Sylvie Lacerte, ont rassemblé une trentaine de sculptures monumentales d’artistes exceptionnels comme l’Américain Alexander Calder, la Française Niki de Saint-Phale, le Canadien Joe Fafard, la Polonaise Magdalena Abakanowicz et l’Américain Keith Haring, pour ne nommer que ceux-là. Notre trio de conservatrices a aussi mis la photo à l’honneur. Le travail d’une douzaine de photographes est exposé en grand format. De Raymonde April à Isabelle Hayeur en passant par Aydin Matlabi et Michel Huneault.
Il y a eu un réel effort de créer la surprise en présentant un corpus d’œuvres rarement vues à Montréal. Les prêts proviennent de différentes collections privées et publiques du Québec, du Canada et de l’étranger.
Comme au musée, chaque œuvre a droit à son cartel, la petite note qui explique ce qu’on voit. Le Musée offre même des visites guidées gratuites de l’exposition les jeudis et dimanches. Il suffit de s’inscrire. Ça vaudra certainement la peine, car il y a beaucoup de choses à découvrir sur le travail des artistes exposés qui ne sont pas tous aussi connus que ceux que j’ai nommés.
Cette visite peut facilement prendre deux heures de votre temps. Je vous suggère d’y aller un côté de rue à la fois, et n’hésitez pas à vous aventurer notamment à l’Université McGill, où il faut traverser le grand portail pour pouvoir approcher les sculptures. La beauté du parcours, c’est qu’il nous permet aussi de voir le quartier de plus près. J’ai découvert que la Fondation McDonald Stewart a ses locaux dans la maison Louis-Joseph Forget, une des grandes demeures du Mille carré doré.
À la fin de ma visite, j’étais excité comme une puce. Montréal a le don de me rendre fier: où d’autres verrait-on un événement pareil? J’avais vraiment hâte de partager mon emballement avec vous. Maintenant, vous n’avez aucune raison de manquer ça. La balade pour la paix est présentée gratuitement jusqu’au 29 octobre.
De l’art mur à mur
Pendant que vous portez des souliers confortables et que vous êtes bien couverts de crème solaire, pourquoi ne pas pousser une pointe jusqu’au boulevard Saint-Laurent, qui accueille, entre Sherbrooke et Mont-Royal, la 5e édition du Festival Mural?
Mural, c’est comme si Michel-Ange vous invitait à le voir réaliser ses fresques. En effet, du 8 au 18 juin, des artistes muralistes de partout à travers le monde réalisent sous nos yeux des œuvres d’art urbain spectaculaires, les murs du quartier leur servant de canevas.
Insa, Felipe Pantone, Hsix, Kevin Ledo, l’art urbain a ses vedettes qu’on peut suivre d’une année à l’autre. Par exemple, en 2014, le Montréalais d’origine portugaise Kevin Ledo avait réalisé un portrait très vibrant d’une femme autochtone. Cette année, il a comme mission de faire revivre le grand Leonard Cohen. Sa fresque occupera l’immense mur aveugle de l’édifice Cooper, soit neuf étages de surface. À deux pas de la maison du poète. Une initiative rendue possible grâce à la générosité de la Fédération CJA, qui fête ses 100 ans.
Il ne faut pas être du genre nostalgique quand on fréquente Mural. Des œuvres créées dans le cadre du Festival qu’on a aimées, peuvent être assez rapidement remplacées par d’autres. C’est le cas de celle de l’Espagnol Felipe Pantone sur le mur du quartier général du Festival. Moi qui passe souvent dans le coin, je m’y étais attaché. Elle cède sa place cette année à une création de Insa. J’ai hâte de voir. Le créateur britannique a ajouté une nouvelle dimension à son travail, qui permet à ceux qui prennent des photos de son œuvre de l’animer selon le principe du GIF.
Quant à Pantone, jusqu’au 24 juin, il expose ses tableaux récents à la galerie Station 16, située au cœur du site du Festival Mural.
En cinq ans, Mural a pris beaucoup d’expansion. Sa programmation compte cette année des activités sur la rue Saint-Paul dans le Vieux-Montréal, un prolongement de sa foire d’art mural qui se tient au Marché Bonsecours du 8 au 11 juin. Le parcours sur Saint-Paul mène au Centre Phi, qui s’associe à l’événement pour la première fois.
Il ne faut pas cligner des yeux, le monde change vite. Je me souviens de la première année du Festival Mural, en 2012: on avait grand-peine à dissocier murals et graffitis. Cinq ans plus tard, le maire de Montréal est présent au lancement de Mural, les commerces veulent tous une œuvre sur leur édifice, les commanditaires signent des contrats à long terme et bien des grandes villes nous jalousent d’avoir un tel événement.
Coup de cœur pour La traversée du Colbert d’André Duchesne
Vive le Québec libre! Vous vous rappelez cette phrase célèbre prononcée sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal par le général Charles de Gaulle il y a 50 ans cette année? Beaucoup de choses ont été écrites sur le sujet, mais je n’avais encore rien lu d’aussi captivant que le récit qu’André Duchesne fait de cet esclandre historique.
Comme dans son livre Le 11 Septembre et nous (à lire aussi), le journaliste assoit son compte-rendu sur une recherche méticuleuse et couvrant un spectre très large. Il a consulté les nombreuses thèses écrites sur le sujet, les fonds d’archives des acteurs de l’époque, visionné et lu les reportages des médias qui suivaient cette saga. Il a même épluché le journal de bord du Colbert, ce navire militaire qui a transporté le président de la France de Brest à l’anse au Foulon. C’est fou ce que les détails peuvent révéler, et quand on dit que le diable est dans les détails, ce voyage en est la preuve. Ce livre se lit comme un suspense: intrigues, stratégies, retournements, surprises, coups fourrés, chaque chapitre nous tient en haleine.
Vous pensez que la politique d’aujourd’hui est un cirque où l’on s’agite beaucoup? Préparez-vous, La traversée du Colbert, c’est houleux!
La traversée du Colbert, André Duchesne, Éditions du Boréal, 2017, 352 pages, 21,99$.