La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Marilyn Monroe existe encore

L’art peut-il sauver la vie? Ce serait en mettre beaucoup sur ses frêles épaules… C’est aussi une question qui a fait l’objet de nombreuses thèses et théories doctorales et médicales. À voir tous les artistes de talent qui, de tout temps, se servent de l’art comme exutoire, voire pour panser des plaies, et qui ont malheureusement mis fin à leurs jours, au bout d’une quête infinie de répit, on peut penser qu’à défaut de sauver, l’art permet une fuite, ou plutôt une sorte de rédemption, un repos momentané, qui, oui, dans certains cas (on ne connaît que ceux pour qui ça a échoué…), peut amener le créateur sur le chemin d’une forme de plénitude.

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La seule et unique Marilyn Monroe, au milieu des années 50, s’était d’ailleurs mise au dessin, d’abord au fusain et à la gouache, puis à l’aquarelle, la plupart du temps à caractère autobiographique et fantasmatique. Toujours, une profonde solitude émanait de ses personnages, vagues silhouettes courbées au profil bas, comme en témoignent les œuvres présentées dans l’ouvrage Marilyn Monroe Girl Waiting – dessins, esquisses, paru il y a quelques années au Seuil. Même constat à la lecture de ses mots publiés dans Fragments. Chaque fois, pourtant, elle fait état de la nécessité de créer, au-delà de l’interprétation de rôles qui lui apportait quelque gloire éphémère, mais surtout des regards concupiscents… Bien que pour elle aussi ça se soit mal terminé, l’art a semé des perles sur sa route chaotique.

L’impatiente persévérance



Des ressources variées ont été mises sur pieds pour faire de l’art une forme de soutien moral bénéfique sous la forme d’ateliers de création supervisés offerts gratuitement aux nécessiteux. On imagine bien à quel point les organismes derrière tout ça ne l’ont pas facile en période d’austérité, redoublant d’ardeur pour tirer leur épingle du jeu. Parmi ceux-ci, Les Impatients se sont donné la mission de venir en aide aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale par le biais de l’expression artistique. L’organisme garde le cap, à coup de campagnes de financement et d’organisation d’événements variés comme la 18e édition de l’expo-encan Parlez-moi d’amour, avec James Hyndman comme porte-parole, qui rassemblait les créations de 300 artistes professionnels et Impatients, et qui se terminait le 15 mars.

Pour ceux qui se questionnement sur l’efficacité de tels organismes conjuguant arts et patients (Impatients), sachez que des études menées par l'Université de Montréal et l'Institut universitaire en santé mentale Douglas démontrent que, grâce à la participation à ces ateliers, 87,1% de la clientèle a constaté une amélioration de sa santé. Une diminution de 66% du nombre d'hospitalisations a aussi été observée.

Marilyn pour toujours

Récemment, l’organisme a aussi eu la brillante idée de demander à sa clientèle de créer 26 sérigraphies inspirées de Marilyn Monroe et de son traitement à la Andy Warhol. Le résultat est prodigieux, surprenant, déstabilisant, poétique… L’expo Marilyn Monroe – La renaissance d’une icône a connu un succès retentissant à la fin 2015, et qui pourra se poursuivre, puisque la Maison de la culture Rosemont-Petite-Patrie à Montréal l’accueillera du 14 mai au 23 juillet. Si je jouais dans de telles ligues, je ne perdrais pas un instant pour en faire l’acquisition, tellement ces Marilyn symbolisent la situation actuelle des femmes dans le monde, vue, ne l’oublions pas, par des gens aux prises avec des problématiques de santé mentale, avec un regard spécialement acéré sur le monde, une lucidité certaine. Pour permettre le tout, charmées et sensibles à la cause, 23 femmes engagées se sont d’ailleurs donné comme mission d’appuyer les Marilyn en allant demander des contributions dans leur imposant réseau. Parmi elles, Clémence DesRochers, comédienne et marraine des Impatients, Suzanne Lamarre, psychiatre et chef du service d'urgences psychiatriques et de crise à St.Mary, Geneviève Biron, présidente et chef de la direction chez Biron, Céline Lamontagne, ex-juge à la Cour du Québec, Rose-Marie Charest, conférencière, et Isabelle Hudon, chef de la direction, Financière Sun Life Québec et vice-présidente principale Solutions Clients, Financière Sun Life Canada.

Les sommes amassées serviront à la mise sur pied d’un projet unique en son genre et qui, dès le 5 avril, permettra une fois par semaine à des femmes en difficulté et aux prises avec des problèmes de santé mentale de participer gratuitement, au siège des Impatients sur la rue Sherbrooke Ouest, à des ateliers de création en arts visuels animés par des animatrices qualifiées.

Je ne l’ai pas mentionné ci-haut, mais c’est 48 000$ qui ont été recueillis par ces ambassadrices influentes. Des grandes. Des Marilyn à leur manière. Pour leur sensibilité, leur élégance, leur humilité. Comme ces femmes dans le besoin qui briseront la peur, l’isolement, la gêne et les tabous en profitant de ces ateliers précieux et bienveillant. Longue vie aux Marilyn.

Je craque pour…

L’album Volcano de Jason Bajada

Immense craquement de tout mon être pour ce deuxième album en français du Montréalais dans la trentaine qui séduit aussi bien pour ses textes ancrés dans le réel que pour sa musique envoûtante, parfois explosive, puis calme à nouveau, lascive plutôt. Il s’agit aussi de petites histoires qui restent en tête, qui font certainement écho à des moments que nous connaissons, pour la plupart. C’est un grand mélancolique romantique et j’aime l’entendre. Ce sera sans doute un des albums phares du printemps.