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Quitter son emploi à 52 ans pour devenir travailleuse autonome

Carole Grenier a été adjointe administrative pendant 35 ans. À 52 ans, épuisée, elle a tout lâché pour devenir conseillère budgétaire, coach, formatrice et conférencière à son compte. Récit d’un parcours parsemé d’embûches.


Avenues.ca: Quelles sont les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?

Carole Grenier: Quand j’étais au secondaire, mon rêve était de devenir secrétaire de direction. J’écoutais les films de James Bond et je voulais être la secrétaire avec le collier de perles, je trouvais ça prestigieux. Après mon secondaire 5, j’ai fait une année intensive en immersion anglaise à l’Académie Sainte-Anne. À l’époque, c’était l’équivalent du DEC bureautique. Dès ma sortie de l’école, j’ai fait mon chemin en secrétariat de direction.

Avenues.ca: Est-ce que le travail de secrétaire de direction correspondait aux rêves que vous vous étiez faits?

C.G.: Oui! J’étais vraiment heureuse dans mon travail. J’ai été adjointe ou secrétaire de direction en entreprise pendant 35 ans.

Avenues.ca: Pourquoi avoir voulu changer après toutes ces années?

C.G.: Parce que j’étais épuisée, mentalement et physiquement. Ça faisait onze ans que je travaillais pour le même employeur, j’avais d’excellentes conditions, mais j’étais très stressée, très anxieuse. J’ai donc donné ma démission. On était en 2008, j’avais 52 ans.

Avenues.ca: Vous n’aviez alors aucune idée de ce que vous alliez faire?

C.G.: Non! J’avais un peu d’argent de côté et je n’avais pas de dettes. J’ai pris le temps de me reposer.

Avenues.ca: Comment vous est venue l’idée de devenir conseillère budgétaire à votre compte?

C.G.: J’ai toujours aimé les chiffres et l’argent. J’avais déjà fait un cours en valeurs mobilières et j’aimais faire les budgets pour ma famille. Un jour, après avoir fait un budget pour une de mes belles-filles, elle m’a dit que je pourrais faire ça pour les autres. J’ai trouvé que c’était une bonne idée. Mon conjoint, qui travaille en informatique, m’a fait un site Internet et je me suis lancée.

Avenues.ca: Quelles ont été les différentes étapes de votre lancement d’entreprise?

C.G.: J’ai d’abord été au Centre local de développement de Laval et j’ai fait le programme Soutien au travailleur autonome offert par Emploi-Québec. J’avais droit à un salaire pendant 12 mois pour m’aider à la création de mon entreprise, mais j’ai été coupée après sept mois parce que je n’arrivais pas à vendre mon produit. C’était tout un défi pour moi de passer d’un poste de secrétaire, donc d’exécutante, à celui d’entrepreneure qui doit vendre son produit. La première année, j’ai eu une dizaine de clients.

Avenues.ca: Ça n’a pas dû vous donner un gros salaire annuel…

C.G.: Pour survivre, j’ai accepté de faire des contrats de traduction pour une entreprise qui m'avait été référée par un ami. La moitié de mon temps était dédié à la traduction et l’autre moitié au développement de mon entreprise, Conseils budget. Après deux ans, j’avais un revenu raisonnable avec mes clients, j’ai donc arrêté les contrats de traduction.

Avenues.ca: Vous étiez donc officiellement lancée?

C.G.: Oui, mais je continuais à avoir de la difficulté à vendre mon produit. J’ai donc sorti de l’argent de mon REER, ce qui m’a permis de me payer un coach et du matériel de promotion – des pancartes, des cartes professionnelles et des kiosques à différents salons, dont le Salon de l’habitation.

Pendant six ans, j’ai fait du réseautage intensif. J’ai fait des rencontres d’affaires, notamment à la Chambre de commerce et d'industrie de Laval, au BNI, et dans le Réseau des femmes d’affaires du Québec. Ça me faisait de la visibilité. J’avais des rendez-vous individuels toutes les semaines avec différentes personnes; des courtiers hypothécaires, des courtiers immobiliers, des planificateurs financiers, des conseillers, des directeurs de comptes… Je rencontrais des personnes qui pouvaient peut-être parler de moi à quelqu’un. J’ai rencontré plus de mille personnes.

Avenues.ca: C’est beaucoup!

C.G.: Oui. Encore aujourd’hui, certaines personnes que j’ai rencontrées à ce moment-là me réfèrent des clients, mais pas si souvent que ça. Les deux choses qui ont vraiment changé quelque chose dans mon entreprise c’est, premièrement, le coaching de vie, en 2010, et le coaching en vente, en 2013. Ça m’a permis de nommer les services que je vendais et ainsi remettre aux clients un document détaillant ce que je leur offrais. J’ai ensuite réussi à aller chercher de nouveaux clients. Ça m’a coûté cher en coaching, mais ça a valu le prix!

Avenues.ca: À travers toutes ces embûches, vous n’avez jamais pensé redevenir adjointe?  

C.G.: Non. J’avais tourné la page. Je ne voulais vraiment pas retourner à temps plein. J’ai aimé ce que j’ai fait jusqu’à la fin, mais je ne peux plus avoir cette pression, ce stress.

Avenues.ca: Cette nouvelle carrière ne vous occasionne pas un certain stress financier?

C.G.: Avec mon conjoint, on a gagné suffisamment d’argent pour payer nos choses. On n’a pas de dettes, pas de paiement d’auto, juste une hypothèque à payer. On a notre rente depuis qu’on a 60 ans, et notre rente du fédéral depuis qu’on a 65. Grâce à mon site internet, je reçois deux à trois clients par semaine. Ce n’est pas énorme, mais pour moi c’est suffisant et cela comble mon besoin de rencontrer les gens. Et j’ai aussi un deuxième petit boulot qui me permet de faire des gains: j’achète et je vends moi-même mes actions à la bourse tous les matins.

Avenues.ca: Quels sont vos plans d’avenir?

C.G.: J’en ai trop! J’ai 65 ans, je suis censée être à la retraite, mais je ne peux pas arrêter de travailler. De toute façon, j’ai besoin de voir des gens et de faire des activités sinon je tombe en dépression. Mon dernier projet, c’est de vendre des cours en ligne. Pas les miens, ceux des autres. J’ai créé une boutique sur mon site Internet, je vends des cours en vidéo traitant de budget, de finance et d’investissement. Je veux ajouter à la boutique une quarantaine de livres. Quand ce projet sera lancé, je passerai à un autre. J’ai une boîte de chaussures dans laquelle j’en ai au moins cinquante, ce n’est pas le choix qui manque!

Je veux aussi continuer à faire du bénévolat. Je suis mentor pour le Réseau Mentorat Laval et, avec la Fondation pour la langue française, je suis jumelée à un nouvel arrivant pour pratiquer le français. J'ai l'intention de vivre jusqu'à 105 ans et je n'arrêterai pas de travailler tant que mes cellules grises et mon corps me le permettront. Les défis m'ont toujours énergisée!

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