19 février 2019Auteur : Maxime Johnson

Internet en région: état des lieux

Voilà plus d’une décennie que les gouvernements provincial et fédéral promettent de réduire l’écart numérique subsistant entre les villes et les régions. La situation devrait s’améliorer, mais les centaines de milliers de personnes qui attendent Internet haute vitesse devront continuer de prendre leur mal en patience pendant encore quelques années.



Environ 340 000 foyers seraient mal desservis par Internet au Québec, selon une estimation du gouvernement québécois datant de 2016. Certains n’ont aucun accès à Internet, alors que d’autres ne disposent que d’une mauvaise connexion.

Ces foyers sont souvent dans des régions éloignées des grands centres, comme le démontre la Carte nationale des services Internet à large bande d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. La couverture laisse souvent à désirer dans des régions comme le Nord-du-Québec, la Gaspésie, la Côte-Nord et le Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais certaines communautés près de zones urbaines importantes sont aussi mal desservies, parce que la population avait notamment été jugée insuffisante pour justifier l’installation d’un réseau de meilleure qualité par les fournisseurs Internet locaux.

Les options offertes sont alors peu intéressantes, comme s’abonner à un service basse vitesse, utiliser un service mobile si celui-ci est d’une bonne qualité ou se doter de l’Internet satellitaire. À environ 90$ par mois pour une vitesse souvent moyenne et avec plusieurs défauts, comme un long temps de latence qui affecte les services de vidéoconférence, l’Internet par satellite n’est toutefois pas une solution miracle.

Depuis quelques années, l’accès à Internet haute vitesse est pourtant considéré comme un service de communications de base au Canada, au même titre que le téléphone. Internet est requis pour accéder à de nombreuses ressources gouvernementales, et cette tendance n’est pas près de s’essouffler, avec des technologies, comme la télémédecine, qui prennent de plus en plus d’importance. Une bonne vitesse de connexion Internet est également essentielle pour que les entreprises puissent œuvrer au 21e siècle.

Combler le retard à coups de millions

Plusieurs grands programmes ont été annoncés au cours des dernières années pour brancher la population. Au Québec, par exemple, une enveloppe d’environ 300 millions de dollars a été réservée en 2016 pour le programme Québec branché. Parmi les 89 projets retenus par le gouvernement, une dizaine seulement ont toutefois été officiellement acceptées pour l’instant. Ces différents projets devraient permettre de relier 21 788 foyers à Internet haute vitesse.

Au fédéral, notons que le programme Brancher pour innover (500 millions de dollars sur 5 ans) permet aussi aux promoteurs d’obtenir du financement pour rehausser leurs infrastructures Internet (il s’agit d’un programme souvent complémentaire à Québec branché, qui permet de fournir Internet dans une région, plutôt que de brancher chacune des résidences directement).

Aucun des projets de Québec branché n’a été mené à terme à l’heure actuelle, puisque les promoteurs ont de 2 à 5 ans pour exécuter leurs travaux. Lorsqu’ils seront tous complétés, ce sont 100 000 foyers qui devraient être dotés d’un accès à Internet, ce qui portera le total des foyers mal desservis à 240 000 au Québec.

Un autre programme devrait être mis en place au cours des prochains mois pour poursuivre le travail. Alors que la CAQ s’engageait en campagne électorale à investir 400 millions de dollars pour brancher les 240 000 foyers restants d’ici 2022, le député responsable du dossier, Gilles Bélanger, a récemment affirmé au Devoir qu’il est «utopique de penser que le Québec va être 100% couvert d’ici 2022».

Le nouveau programme pourrait coûter 50 millions de dollars de plus que les 400 millions prévus et permettre de brancher environ 200 000 foyers d’ici cinq ans.

Internet à vitesse variable

Tous les foyers qui seront branchés au cours des prochaines années ne pourront pas profiter des mêmes vitesses.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) estime que l’Internet haute vitesse devrait atteindre une vitesse de transfert d’au moins 50 Mbps au Canada, mais les projets sélectionnés pour Québec branché et Branché pour innover ne sont quant à eux tenus d’atteindre qu’un maigre 5 Mbit/s, soit une vitesse 200 fois plus lente que les vitesses offertes dans certains quartiers de Québec et Montréal.

«Il existe toujours des ménages qui n’ont pas l’accès à 5 Mbit/s», rappelle le programme Brancher pour innover sur son site Web, ajoutant ainsi que ces régions sont «dans des circonstances particulièrement difficiles». Bref, mieux vaut un Internet moyennement rapide que pas d’Internet du tout.

Ces vitesses sont aussi des vitesses minimales, et les promoteurs proposent généralement des projets permettant d’atteindre des vitesses plus grandes. Un de ces projets a été dévoilé la semaine dernière à Cantley, près de Gatineau. Dans cette communauté, un réseau Internet avec fibre optique jusqu’à la maison sera déployé sur tout le territoire d’ici la fin de 2020.

À l’heure actuelle, les citoyens ont accès à une connexion de 5 Mbit/s en téléchargement et de 0,85 Kbit/s en téléversement, des vitesses qui devraient passer à au moins 50 Mbit/s en téléchargement et à 10 Mbit/s en téléversement grâce au projet. Un jeu vidéo qui prendrait 20 heures à télécharger à l’heure actuelle pourra donc être joué en 2 heures seulement. Le projet est évalué à 7 millions de dollars en tout, dont la moitié provient de fonds du fédéral et du provincial.

Si la fibre optique est souvent choisie par les promoteurs, d’autres régions sont mal adaptées à cette technologie. Sur la Basse-Côte-Nord, l’opérateur Telus a ainsi opté pour une technologie d’Internet par micro-ondes pour relier des antennes LTE qui permettront de rejoindre des villages répartis sur 400 km de littoral, puisque l’installation de fibre optique sur un tel territoire se serait avérée beaucoup trop dispendieuse. La technologie choisie devrait quand même permettre d’atteindre des vitesses moyennes allant de 25 à 75 Mbit/s, tant sur un téléphone que sur un ordinateur portatif.

Avec l’arrivée des réseaux sans fil 5G au cours des prochaines années, qui promet des vitesses accrues et plus de capacité, l’accès à Internet à l’aide d’un réseau cellulaire devrait être de plus en plus populaire pour relier les communautés peu populeuses et mal desservies au Québec.

À moins d’un changement technologique majeur, les communautés trop isolées devront toutefois se contenter de l’Internet satellitaire, comme c’est le cas actuellement.