La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Bienvenue sur l’iconique Ocean Drive!

Aller à Miami sans aller se balader du côté de l’iconique Ocean Drive? Impossible! Histoire de mieux comprendre son passé comme son présent, j’ai pris part à des visites guidées avec l’entreprise française Miami Off Road et avec la Ligue de préservation du design de Miami (Miami Design Preservation League) lors de mon récent séjour, en janvier dernier.



De l’Hôtel Eden Roc, à Miami Beach, au Barbara Baer Caritman Memorial, dans le parc Lummus, où j’ai rendez-vous avec Héloise Collins, ma guide, il me faut environ 55 minutes de marche. C’est l’occasion de voir la plage déserte en cette journée frisquette et de croiser quelques joggeurs matinaux.

Miami Beach, déserte par une journée frisquette. Photo: Marie-Julie Gagnon

J’aperçois les hôtels aux couleurs pastel d’Ocean Drive avant de repérer le buste de bronze réalisé à partir d’une sculpture de la mère de Barbara Baer Capitman, l’artiste Myrtle Bachrach Baer, alors que sa fille avait 19 ans.

Le buste de bronze réalisé par l’artiste Myrtle Bachrach Baer. Photo: Marie-Julie Gagnon

«Barbara Baer Capitman était une retraitée installée à Miami Beach dans les années 1970, raconte Heloise Collins, guide de Miami Off Road, après avoir repéré la journaliste un peu perdue qui errait devant l’hôtel Cardozo, qui fait face au monument. Elle était passionnée par l’art déco. À cette époque, Miami Beach n’était plus du tout entretenue. C’était devenu une ville un peu coupe-gorge avec très peu de tourisme et énormément de criminalité. La mairie avait décidé de ne plus rien rénover pour qu’on puisse tout remplacer par de grands ensembles immobiliers plus modernes, plus hauts, plus vastes… Ça lui brisait le cœur. Alors elle a créé, en 1976, la Ligue de préservation du design de Miami, qui existe toujours. Elle a recruté une dizaine de volontaires. En trois ans, ils ont répertorié tous les bâtiments de South Beach.»

L'hôtel Cardozo. Photo: Marie-Julie Gagnon

Le dossier de plus de 1500 pages a permis de faire classer le quartier pour son art déco en 1979. «C’est la plus grande concentration d’art déco au monde», souligne la guide.

«L’art déco est venu avec l’exposition des arts décoratifs à Paris en 1925, poursuit-elle. Le nom est venu plus tard. C’est Le Corbusier, qui détestait l’art déco, qui a appelé ce style "art déco" de façon péjorative dans une série d’articles sur l’expo de 1925. C’est resté.»

S’intéresser au contexte de l’époque permet de mieux comprendre les éléments qu’on retrouve dans cette architecture si facilement reconnaissable. «On venait de découvrir la tombe de Toutankhamon et la Ziggourat d’Ur», rappelle Heloise Collins. Bien que, malgré cette influence, les designers qui ont pris part à l’exposition des arts décoratifs de 1925 n’avaient pas le droit de reproduire des éléments antiques, on en retrouve certaines touches ici et là. Ainsi, on remarque notamment les toits en escaliers si typiques – les ziggourats – sur la façade de différents hôtels d’Ocean Drive.

The Carlyle. Photo: Marie-Julie Gagnon

Une histoire haute en couleur

En me baladant dans la rue très calme à cette heure matinale, je m’étonne de voir certaines façades bien préservées abriter des commerces qui n’ont plus rien à voir avec les établissements hôteliers de jadis. D’autres ont conservé l’esprit art déco à l’intérieur, tout en modernisant l’essentiel.

Pénétrer dans le lobby de quelques lieux érigés dans les années 1930 donne un aperçu de la transformation des lieux au fil du temps. On retrouve encore certains éléments arts déco, comme l’escalier de l’hôtel The Cavalier. «Le sol en terrazzo et la rambarde de l’escalier sont d’origine, explique Heloise Collins. Avec son ouverture en tulipe, la rambarde est très intéressante. Les dames aimaient défiler dans les escaliers quand elles arrivaient dans les halls d’hôtel, notamment avec des fourrures.»

On retrouve encore certains éléments arts déco, comme l’escalier de l’hôtel The Cavalier. Photo: Marie-Julie Gagnon

Autrefois appelé Tiffany Hotel, The Tony Hotel a longtemps porté le nom The Hotel of South Beach, après que le célèbre bijoutier de la 5th Avenue eut dénoncé l’utilisation du nom de sa marque. Son nom actuel fait référence à Tony Goldman, un homme d’affaires soucieux de la préservation qui a fait restaurer plusieurs établissements et a contribué au renouveau de South Beach dans les années 1980 et 1990.

À l’intérieur, le mobilier du lobby est aujourd’hui coordonné aux teintes des motifs du terrazzo. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas innocents: certains ont une signification directement liée à l’époque de la prohibition. Les losanges, les triangles et les flèches menaient par exemple aux salles de jeux clandestines. Sur la terrasse du toit, où se trouve maintenant une piscine avec une superbe vue, l’ancienne enseigne Tiffany est toutefois toujours visible, témoignant de son passé.

Flèches sur le terrazzo du Tony Hotel. Photo: Marie-Julie Gagnon

Préserver et célébrer l’art déco

Dans les années 1980, la série Miami Vice a eu un impact majeur sur la popularité du quartier. Comment oublier les tenues de Don Johnson, parfaitement agencées aux bâtiments? Un célèbre résident du quartier, Gianni Versace, a aussi contribué à leur allure reconnaissable entre tout.

Dès 1977, le Art Deco Weekend est créé afin de célébrer l’héritage de ce passé pas si lointain. C’est dans ce cadre que je prends part le lendemain à une seconde visite du quartier avec la Ligue de préservation du design de Miami, alors qu’Ocean Drive était piétonne. Entre les cyclistes et la foule, beaucoup plus dense en ce dimanche après-midi, je plonge à nouveau dans l’histoire du quartier. Première escale: l’ancien repaire des lifeguards construit en 1934 et rénové en 2000. «L’eau venait jusque là, mais a descendu», montre Mark, notre guide. C’est ici qu’il raconte au groupe de curieux l’histoire des premiers fermiers qui se sont installés dans le secteur.

L'ancien repaire des lifeguards construit en 1934. Photo: Marie-Julie Gagnon

Le bon côté de prendre part à deux visites est d’avoir accès à des lieux différents. Si l’histoire reste la même, la couleur de chacune teinte le portrait qu’on se fait de ce quartier iconique.

Je quitte la cohue pour marcher tranquillement vers mon hôtel, en tentant d’éviter les joggeurs et les cyclistes. Rares sont les courageux à profiter de la plage alors que le mercure dépasse le point de congélation d’à peine une dizaine de degrés. N’empêche, l’État ensoleillé a rempli ses promesses. Fidèle aux clichés imprimés dans ma mémoire depuis Miami Vice, Ocean Drive m’a permis de revisiter une foule de souvenirs. Je suis maintenant prête à explorer d’autres facettes de Miami. À suivre…

Rares sont les courageux à profiter de la plage alors que le mercure dépasse le point de congélation d’à peine une dizaine de degrés. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pratico-pratique:

  • Bien que son nom semble indiquer le contraire, Miami Off Road ne propose pas de visites en anglais, mais en français.
  • En plus des visites guidées, le Art Deco Welcome Center compte un petit musée qui relate les grandes lignes de l’histoire du quartier.

J’étais l’invitée de la Greater Miami & Miami Beach, qui n’a pas eu de droit de regard sur cette chronique.