La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Tourisme durable: les actions suivent-elles les intentions?

Certaines réponses à un sondage sur les tendances 2023 en matière de tourisme m’ont laissée perplexe...



Cette semaine, la Chaire de tourisme Transat a présenté la septième édition de son «Gueuleton touristique» consacré aux tendances de 2023. Peu de surprises du côté des principales – oui, nous continuerons à travailler à distance au chalet ou au soleil, à prolonger nos voyages d’affaires pour le plaisir, nous rechercherons la connexion avec la nature, la culture, avec l’autre et avec nous-mêmes, le tourisme urbain reprend du poil de la bête, les expériences immersives et le tourisme de bien-être continueront à avoir la cote et penser aux résidants reste importants dans le développement du tourisme –, mais certaines réponses à un sondage m’ont laissée perplexe.

D’abord, disons-le d’emblée: nous avons retrouvé l’envie de voir du pays, le nôtre comme celui des autres. Le directeur de la Chaire de tourisme Transat, Marc-Antoine Vachon, accompagné pour l’occasion de trois panélistes, Isabelle Duchesneau, directrice générale du Monastère des Augustines, Jérôme Glad, cofondateur de La Pépinière | Espaces Collectifs, et Martin Lessard, directeur général du MTLab, l’a bien souligné lors de la présentation. «Le désir de voyager surpasse les contraintes externes. Quelque 89% des voyageurs québécois envisagent d’effectuer au moins un séjour avec nuitée en 2023. Et cet appétit du voyage n’est pas exclusif aux Québécois. Une étude réalisée pour le compte du groupe Expedia auprès de 11 000 adultes provenant de 11 marchés géographiques, dont le Canada et les États-Unis, révèle que 46% d’entre eux estiment que les voyages ont une plus grande importance qu’avant la pandémie», résume par ailleurs le Réseau de veille en tourisme.

Photo: Marie-Julie Gagnon

C’est une bonne nouvelle en soi: les bienfaits du voyage sont nombreux tant pour le voyageur que pour les communautés où il pose ses bagages – du moins quand des entreprises locales sont priorisées. Ce qui m’inquiète, c’est le «comment».

Ce qui m’a frappée lors du dévoilement des chiffres du sondage est la dichotomie entre les intentions et les actions quand il s’agit de voyager de manière responsable. Comprenez-moi bien: je serais bien mal placée pour diaboliser l’avion ou dire à quiconque de partir moins loin. Mais que seulement 26% des voyageurs consultent parfois ou régulièrement si un prestataire de services touristiques possède une certification environnementale ou un label durable et que 10% des voyageurs compensent les émissions de gaz à effet de serre de leurs déplacements me semble bien peu.

Soixante pour cent des voyageurs québécois affirmaient vouloir voyager de façon plus responsable en 2021 selon un sondage précédent, rappelle Kate Germain du Réseau de veille. Pourtant, selon les résultats de l’étude réalisée à la fin de l’année dernière, seuls 22% affirment avoir choisi un hébergement ou un attrait en raison de son orientation durable ou responsable.

On est d’accord: le coût d’adhésion aux labels durables peut être un frein pour les petites entreprises et certaines préfèrent ne pas se soumettre à leurs règles, mais posent tout de même des actions bien concrètes. L’achat de crédit carbone est aussi un dossier complexe qui mérite qu’on s’y attarde avant de faire des choix. Les programmes sont inégaux et certains frôlent l’arnaque. Compenser ne règle pas le problème à la base: nous devrions tous réduire avant même de penser à compenser. Mais 10%, vraiment? Je me demande quelle est la proportion de voyageurs qui y songent pour les prochains mois… et de ce nombre, combien passeront vraiment à l’action.

Oui, compenser aide à se donner bonne conscience. Mais le faire m’apparaît tout de même moins pire que rester les bras croisés et voyager comme s’il n’y avait pas de lendemain. À ce sujet, je vous invite à lire le dossier réalisé par Protégez-vous en 2020.

Photo: Tim Swaan, Unsplash

Nous sommes tous de grands parleurs

«Cette situation est similaire au niveau international, souligne le rapport du Réseau de veille. Selon une étude menée par Booking, un peu plus de 70% des voyageurs interrogés désirent faire plus d’efforts pour voyager de manière responsable en 2023. Il existe encore toutefois des écarts importants entre leurs intentions et leurs comportements.»

Je retourne les chiffres dans ma tête depuis leur dévoilement. Plusieurs questions me taraudent: est-ce parce qu’il est difficile de trouver des informations simples et fiables à propos des hébergements qui misent sur la durabilité que les gens n’en font pas une priorité? Qu’il est encore trop difficile de faire la part entre l’écoblanchiment et les initiatives qui font réellement une différence? Nous méfions-nous à ce point du marketing que nous n’arrivons pas à faire confiance aux entreprises qui affichent clairement leur couleur verte? Ou alors que les hôteliers qui prennent des mesures concrètes ne communiquent pas adéquatement?

Quand on sait que 65% des ressources hydriques sont utilisées pour des services touristiques tels que les piscines des hôtels à Bali, qu’à Zanzibar, des hôtels ont foré de façon illégale dans des sources souterraines utilisées par les locaux, qu’à Chypre, pendant qu’on demandait à la population de réduire sa consommation d’eau, un golf arrosait sa pelouse à qui mieux mieux, on se demande ce qu’il faut de plus pour repenser nos choix.

À quel point avons-nous besoin d’insouciance lors de nos vacances? Pourquoi cette insouciance devrait-elle primer sur le bien-être des résidents? Et pourquoi diantre, en 2023, ne nous informons-nous pas davantage à propos des pratiques des lieux où nous dépensons nos précieux deniers?

Je n’ai pas les réponses à ces questions. Mais je sais qu’il est plus que temps que les bottines suivent les babines, quitte à ce qu’on les use moins rapidement. Ne croyez-vous pas?

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