La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Bleu comme les montagnes

Mais qu’est-ce qui a bien pu motiver quelqu’un à s’attaquer à la tâche colossale de relier la vallée de Jamison au sommet des Trois Sœurs, géantes de grès emblématiques de la province de New South Wales, en 1909? C’est la question que je me pose alors que je descends les quelque 800 marches du Giant Stairway du Blue Mountains National Park.



Je suis partie avec l’idée d’aller tirer le portrait des Trois Sœurs, rochers emblématiques qui dominent la vallée de Jamison, pendant une petite demi-heure, et voilà que je m’enfonce de plus en plus profondément dans la forêt. Comment résister à l’envie d’admirer ce paysage unique sous tous les angles possibles?

Et puis, il y a ces odeurs de pluie et d’eucalyptus, qu’on souhaite imprimer en soi, tout comme cette impression de vertige qui nous saisit dès qu’on laisse nos regards errer au loin, là où les arbres, en contrebas, ressemblent à un immense tapis de mousse aux dégradés de vert. On aperçoit même les cacatoès les survoler, déployant leur blancheur au-dessus de vagues émeraudes. Selon l’heure de la journée, les ombres transforment le tableau. L’océan de vert bleuté ondoie au gré des humeurs du soleil et des nuages.

De là-haut, on mesure difficilement la distance et la taille des arbres. On se dit toutefois que si les oiseaux nous semblent aussi petits que des abeilles, on doit être loin, très loin de leur cime. Et le vertige nous reprend…

Comment résister à l’envie d’admirer ce paysage unique sous tous les angles possibles? Photo: Marie-Julie Gagnon

Descendre… et remonter!

Surtout, ne pas lever les yeux. C’est ce que je me répète alors que je peine à mettre un pied devant l’autre, bien agrippée à la rampe. De tailles inégales, les marches exigent une certaine concentration. Dès que je fais entorse à ma résolution, j’oscille entre une certaine béatitude – c’est si beau! – et une terreur qui transforme rapidement mes jambes en guenille. J’ai les mains moites et je tremble, mais l’émerveillement prend le dessus. J’inspire profondément, j’expire…

De tailles inégales, les marches exigent une certaine concentration. Photo: Marie-Julie Gagnon

Une fois en bas des marches – je suis vivante! –, j’emprunte le sentier Federal Pass en me demandant comment je pourrai faire le trajet inverse. «Il y a un train plus loin qui peut nous ramener en haut», m’indique un couple de randonneurs à qui je fais part de ma réflexion.

Hier, je suis montée à bord de ce même train, qui ressemble plutôt à un manège vintage. On prétend qu’il s’agit de la voie ferrée la plus pentue du monde. Le véhicule monte et descend une paroi inclinée à 52°! Il se trouve près de l’ancienne mine de charbon, qui a emmené de nombreux travailleurs dans les parages entre la fin des années 1880 et 1932, quand la mine a cessé d’être exploitée. À 23$AUS le trajet, pas question de retenter l’expérience. Je trouverai bien une autre façon de remonter…

Ce train monte et descend une paroi inclinée à 52°!  Photo: Marie-Julie Gagnon

Brume d’eucalyptus

Ce sont les eucalyptus qui confèrent à la forêt son aura bleutée. Attraction phare des Blue Mountains, la cabine Skyway de Scenic World permet de traverser la gorge tout en scrutant le paysage par les côtés… et sous nos pieds.

Attraction phare des Blue Mountains la cabine Skyway de Scenic World permet de traverser la gorge tout en scrutant le paysage par les côtés… et sous nos pieds. Photo: Marie-Julie Gagnon

Bien que les balades en téléphérique et en train aient été agréables (on peut incliner son siège de trois façons dans ce dernier pour personnaliser son expérience), ce sont surtout mes moments de calme dans le ventre de la forêt et le Waradah Australian Centre qui m’ont marquée depuis mon arrivée. En 30 minutes, le spectacle Waradah résume l’histoire de l’Australie. On s’amuse des clichés – du didjeridoo au Vegemite, pâte à tartiner que seuls les Australiens semblent apprécier – tout en intégrant quelques notions historiques de base, qui nous aident à mieux décrypter ce pays fabuleux.

Joueur de didjeridoo dans le spectacle Waradah. Photo: Marie-Julie Gagnon

En compagnie de Connie Dastyari, directrice des communications et du marketing, j’ai aussi découvert les créations d’artistes de différentes nations. Auparavant éphémères, les œuvres ont gagné en popularité au cours des dernières décennies. «Les licences ont également permis de rendre l’art plus accessible», me glisse cette dernière alors que je lorgne un coussin arborant les Trois Sœurs en train de danser sous les étoiles. Avoir eu les moyens, j’aurais sans doute dépensé plusieurs milliers de dollars dans la boutique et la galerie!

Ce coussin arborant les Trois Sœurs en train de danser sous les étoiles me faisait de l’œil. Photo: Marie-Julie Gagnon

Après plus de deux heures de marche dans les sentiers escarpés, j’emprunte finalement les Furber Steps, un autre escalier, tout près des rails inclinés. La remontée s’avère ardue, mais sans doute moins que si j’étais revenue sur mes pas. Le son des chutes Katoomba m’accompagne pendant une bonne partie de la montée. Des différents paliers où je m’arrête, je les aperçois dans toute leur splendeur. Il me suffit de tourner la tête pour repérer les Trois Sœurs, fidèles au poste.

Les Trois Sœurs, fidèles au poste. Photo: Marie-Julie Gagnon

Le lendemain, alors que le soleil vient à peine de se lever, je retourne saluer ces dernières avant de prendre le train pour Sydney. Lieu spirituel important pour les peuples aborigènes Darug, Gundungurra, Wiradjuri et Dharawal, les formations rocheuses font l’objet de différentes légendes.

Certaines d’entre elles racontent qu’il y a des millions d’années, les sœurs étaient sept, comme les Sept Sœurs des Pléiades. D’autres évoquent l’histoire de trois sœurs tombées amoureuses de trois frères d’une autre tribu et changées en pierre par un vieux sage doté de pouvoirs magiques, alors que les jeunes hommes tentaient de les enlever, la loi tribale leur interdisant de se marier. Tué pendant la bagarre, l’ancien n’a pas pu renverser le sort destiné à les protéger, les figeant à tout jamais dans ce décor idyllique.

En parcourant la forêt bleutée du regard une dernière fois, je pense à toutes ces légendes et me demande combien de touristes ont, comme moi, ressenti l’irrépressible envie de donner rendez-vous à ces personnages plus grands que nature avant même de leur dire au revoir. Chose certaine, les Blue Mountains font résolument partie de ces lieux qui s’insinuent en nous pour ne plus jamais nous quitter.

Les Blue Mountains font résolument partie de ces lieux qui s’insinuent en nous pour ne plus jamais nous quitter. Photo: Marie-Julie Gagnon

P.S. Je ne sais toujours pas pourquoi les 800 marches ont été construites à l’origine, mais comme la mine de charbon était toujours en activité en 1909, j’imagine qu’il y a un lien. Merci, en tout cas!

Pratico-pratique:

  • Katoomba, dans les Blue Mountains, se trouve à environ deux heures de Sydney. On peut facilement y accéder en train à prix dérisoire ou prendre part à une excursion guidée depuis la métropole. Pour ma part, je suis partie avec Anderson’s Tours et j’ai profité de la visite guidée en matinée (notre guide, Kat, connaissait autant l’histoire que le nom des plantes et des oiseaux), avant de poursuivre mon séjour seule. Je suis revenue en train deux jours plus tard.
  • S’il est facile de trouver des excursions d’un jour, je recommande fortement de dormir au moins une nuit sur place pour profiter pleinement des sentiers de randonnée, très bien aménagés. «La route Greater Blue Mountains Drive, qui ne comprend pas moins de 18 sentiers pédestres classés au patrimoine mondial, serpente au travers de réserves naturelles, de pittoresques villages historiques, de communautés agricoles et du massif des Trois Sœurs, résume Australia.com. Vous pouvez également partir en randonnée guidée sur le sentier Six Foot Track qui relie Katoomba aux grottes de Jenolan Caves
  • À deux pas de plusieurs sentiers, l’hôtel Liliansfels Resort and Spa est idéal. Confortable cocon, il se trouve à cinq minutes à pied d’Echo Point, d’où l’on peut admirer les Trois Sœurs. Le repas sept services que j’ai pris au magnifique Darley’s Restaurant a par ailleurs été l’un des meilleurs de mon voyage. Le carpaccio de kangourou, avec de la menthe et des pistaches, était à tomber par terre!
Vue de ma chambre à l’hôtel Liliansfels Resort and Spa. Photo: Marie-Julie Gagnon

J’étais l’invitée de Tourism Australia, de Visit New South Wales, du Waradah Australian Centre et du restaurant Darley’s. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.