1 novembre 2016Auteure : Emilie Laperrière

L’architecture peut-elle nous rendre heureux et en santé?

L’architecture a un impact majeur sur nos villes et notre environnement. Mais a-t-elle aussi un rôle à jouer dans notre bonheur et notre santé? Avenues s’est posé la question.



alt="et-si-la-beaute-rendait-heureux"Dans l’ouvrage Et si la beauté rendait heureux, le journaliste François Cardinal et Pierre Thibault, l’un des plus grands architectes au Québec, tentent de démontrer que les beaux environnements bâtis sont nécessaires au bonheur. Mené sous forme de dialogue dans cinq lieux du Québec et du Danemark, le livre se veut aussi un plaidoyer pour repenser l’aménagement de nos villes et de nos espaces publics.

Après avoir visité quatre lieux créés par Pierre Thibault, la conversation entre les deux auteurs se termine à Copenhague. Cette ville trône au palmarès des villes les plus heureuses du monde dressé par le magazine Monocle. L’architecte a été conquis par l’urbanisme, les places publiques, les écoles et, évidemment, le réseau cyclable et piéton. Celui-ci a rappelé, dans une entrevue avec La Presse, que «la métamorphose de Copenhague est assez récente et a été réalisée avec des moyens limités». Tout n’est donc pas perdu pour Montréal. Nos élus peuvent s’inspirer de l’exemple danois pour rendre la ville plus vivante, plus humaine et, oui, plus belle.

Copenhague. Photo: Omar Yassen, Unsplash
Copenhague. Photo: Omar Yassen, Unsplash

L’architecture du bonheur

L’impact de l’aménagement sur nos vies n’est pas un sujet nouveau. Avant eux, Alain de Botton déplorait aussi que la beauté soit presque une question taboue en architecture. Pour son essai L’architecture du bonheur publié en 2006, le philosophe a voyagé à travers le monde. De Paris à Tokyo et de Londres à Brasilia, il s'est interrogé sur l’influence d’un bel édifice sur notre humeur et sur ce que devrait être la maison idéale.

Plus tôt cette année, Ruth Reader abordait également la question dans un article publié sur le site web Mic. Elle soutient de son côté que le fait de regarder des immeubles laids peut nous rendre malheureux. La journaliste se base notamment sur une étude abordant l’effet de l’environnement bâti sur notre corps et notre esprit pour étayer son point.

L’enquête est d’ailleurs intéressante. En 2011, le chercheur Colin Ellard a dirigé 17 visites du quartier Lower East Side de New York avec plusieurs arrêts pour poser des questions aux 134 participants, qui étaient également équipés de capteurs. L’expérience a été répétée à Berlin et Mumbai.

Colin Ellard a constaté que les sujets étaient particulièrement éteints après avoir passé devant un Whole Foods (une épicerie dont l’extérieur est aussi joli que celui de nos Métro ou Provigo). Les zones animées, avec de petites boutiques et des restaurants pleins de fenêtres, ont suscité au contraire l’excitation des marcheurs. La conception urbaine idéale incorporerait donc une sorte de nouveauté ou de changement à tous les quelques pas.

Photo: Pixabay
Photo: Pixabay

Le design actif à la rescousse

Au-delà du bonheur, l’architecture peut-elle nous aider à améliorer notre condition physique? À une époque où rester assis serait aussi nocif pour la santé que la cigarette et alors que six adultes québécois sur dix n’atteignent pas le niveau d’activité physique recommandé, il est bon de se poser la question. Une des solutions? Le design actif.

Encore peu connu au Québec, mais bien implanté à New York et en Europe, le concept consiste à faire bouger les gens, parfois sans même qu’ils s’en rendent compte. Les immeubles ainsi conçus encouragent notamment les usagers à délaisser l’ascenseur au profit des escaliers en rendant ces derniers plus invitants, ou à opter pour le vélo plutôt que la voiture.

Le magazine Esquisses de l’Ordre des architectes du Québec consacre d’ailleurs son dernier numéro au design actif. On peut y voir des exemples d’escaliers placés à l’avant-plan ou les initiatives encore timides de la ville de Montréal. Certains architectes intègrent aussi cette notion dans la conception des bureaux, où l’on passe une grande partie de notre vie. Les employés de la tour Deloitte au centre-ville peuvent par exemple travailler avec du mobilier réglable permettant d’être assis ou debout, opter pour une banquette ou répondre à leurs courriels en marchant sur un tapis roulant.

Photo: Facebook Deloitte au Québec
Photo: Facebook Deloitte au Québec

L’architecture n’est pas un remède miracle. Ces initiatives à elles seules ne nous rendront pas la forme, pas plus qu’un bel édifice ne suffit à notre bonheur. N’empêche, l’architecture, lorsqu’elle est bien pensée, peut améliorer notre qualité de vie et notre bien-être. Ça vaut le coup de repenser les édifices et les quartiers avec cette idée en tête.


Pour en savoir plus

L'architecture qui soigne

Emilie Laperrière

10 août 2016

Avenues.ca