Choisir les défis plutôt que la retraite dorée

Après 23 ans de travail au sein de la fonction publique, alors qu’il ne lui restait que huit ans avant de pouvoir profiter d’une belle retraite dorée, Martine Guay a tout lâché pour retourner aux études en soins infirmiers.


Avenues: Quelles sont les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?

Martine Guay: À 15 ans, je voulais être vétérinaire ou pilote d’avion. Pourtant, à 18 ans, après mon cégep, c’est avec l’idée de devenir avocate que je me suis inscrite au baccalauréat en droit à l’Université de Montréal. J’ai ensuite passé les examens du Barreau et fait le stage pratique pour être assermentée comme avocate.

Quand j’ai fini mes études, dans les années 1980, il n’y avait pas beaucoup d’emplois d’avocate. Je me suis donc retrouvée dans la fonction publique fédérale comme traductrice juridique. Je n’avais pas de formation en traduction, mais j’ai appris sur le tas. J’ai été au Bureau de la traduction pendant 23 ans, d’abord comme traductrice, puis comme réviseure, et, les 10 dernières années, comme gestionnaire d’un service de 75 employés.

À la mi-quarantaine, comme bien des gens, j’ai eu une petite crise existentielle. Les décisions et les orientations que prenaient mes patrons ne correspondaient plus du tout à mes valeurs. Sur le plan personnel, j’ai aussi, à cette époque, perdu mon adjointe, qui était mon bras droit et une amie précieuse. Son décès a grandement contribué à ma remise en question. Je me demandais pourquoi rester pour un fonds de pension si cela pouvait finir par me rendre malade.

J’ai alors eu la chance de consulter un conseiller en orientation, qui m’a fait faire des tests psychométriques pareils comme ceux que j’avais faits au secondaire. Ce qui est drôle c’est que les résultats étaient exactement les mêmes que ceux que j’avais quand j’étais jeune: infirmière comme premier choix et avocate en toute dernière place!

Je suis donc retournée aux études à 46 ans. J’ai fait un DEC accéléré de deux ans en soins infirmiers au Collège de Bois-de-Boulogne. Je suis devenue infirmière en néonatalogie en 2006, à 48 ans.

En 2013, à 55 ans, j’ai quitté la néonatalogie pour un poste d’infirmière au Centre de la reproduction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Je ne suis plus en train de manipuler des prématurés de 24 semaines ou de changer des couches, mais j’accompagne encore des parents qui vivent des deuils, qui doivent prendre des décisions très difficiles et qui vivent d’intenses situations anxiogènes. En parallèle, deux semaines après avoir commencé mon nouveau poste au CUSM, j'ai commencé une maîtrise à temps partiel. J'espère pouvoir déposer mon mémoire dans un an, j'aurai alors 61 ans.

alt="martine-guay"

Avenues: Ce retour aux études a-t-il entraîné un grand stress financier?

M.G.: Puisque je m’étais séparée du père de mes enfants quelques années plus tôt et que j’avais vendu mes parts de la maison, j’avais un petit coussin. Ça – et mes cartes de crédit! – ont permis de financer mon projet.

J’ai aussi eu la chance de pouvoir avoir un congé sans solde au sein de la fonction publique. Je n’avais pas de salaire, mais cela me permettait d’avoir un certain sentiment de sécurité. Je savais que je pouvais réintégrer mes fonctions à tout moment, s’il s’avérait que je n’aimais pas mes études et que je regrettais mon choix.

Avenues: Avez-vous regretté ou remis votre choix en question?

M.G.: Je n’ai jamais regretté d’être partie de la fonction publique. Lorsque j’étais en poste, un collègue me disait qu’il se levait avec un mal de cœur tous les matins de la semaine. Un mois après mon départ, il tombait en congé de maladie pour burn-out. J’ai aussi deux collègues qui ont eu le cancer du sein et je suis convaincue que le stress y est pour quelque chose. J’ai choisi la santé. Pour moi, ce n’est pas normal de se dire tous les jours «endure encore un peu».

Depuis que je suis infirmière, il n’y a pas une journée où je ne me suis pas sentie utile. C’est pour ça que j’aime ça.

Avenues: Est-ce que vos proches vous soutenaient dans ce changement de carrière?

M.G.: Même s’ils pensaient que j’étais complètement folle de lâcher mon gros poste avec mon gros salaire et tous les avantages qui venaient avec, mes parents m’envoyaient un chèque tous les mois pour m’aider à payer le loyer et subvenir aux besoins de mes trois enfants. À 46 ans, je recevais encore de l’argent de mes parents! Ils ne comprenaient pas ma décision, mais respectaient mon choix.

Lorsque j’ai quitté mon poste de gestionnaire, j’ai reçu beaucoup de messages de collègues qui me disaient que ma décision les inspirait et les poussait à se remettre en question. Si beaucoup d’hommes ont pensé que j’étais folle, les femmes, elles, m’encourageaient.

Avenues: Une fois votre maîtrise terminée, quels sont vos projets?

M.G.: La maîtrise m’ouvre la porte de l’enseignement, un domaine qui m’a toujours intéressé. C’est peut-être ce que je ferai, mais pour l’instant je pense réintégrer mon poste, que j’aime beaucoup.

Vous avez aussi fait un changement de carrière? Vous aimeriez partager votre histoire avec nous? Écrivez-nous!