4 novembre 2015Auteur : Maxime Johnson

SXSW et l’intimidation dans les jeux vidéo

Il n'y a pas que les jeunes qui peuvent être victimes d'intimidation sur Internet. Des adultes qui défendent leurs convictions, et même des organisations importantes, peuvent l’être aussi. Et malheureusement, certains cèdent au chantage des intimidateurs.



C'est ce qui est arrivé la semaine dernière au festival sur les technologies, les films et la musique South by Southwest (SXSW), qui s’est mis les pieds dans les plats après avoir cédé à l’intimidation d’un groupe ne voulant pas d’une discussion sur l’intimidation (!) dans le milieu des jeux vidéo pendant la prochaine édition du festival. Genèse d’une erreur, qui a finalement été corrigée.

Que s’est-il passé?

Le festival SXSW, qui se tient à Austin, aux États-Unis, a annulé la semaine dernière deux discussions en prévision de son édition 2016 : «Level Up: Overcoming Harassment in Games», destinée à permettre aux créateurs de jeux vidéo de s’attaquer à l’intimidation en ligne, et «SavePoint:  A Discussion on the Gaming Community», une discussion sur la communauté des joueurs de jeux vidéo.

Dans un courriel envoyé à une des participantes de la discussion sur l’intimidation, les organisateurs de SXSW ont expliqué avoir reçu plusieurs menaces de violence physique et ont mentionné qu’un environnement sain et sécuritaire lors du festival était plus important que n’importe quelle discussion.

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Un scandale derrière les menaces: le Gamergate

Pourquoi des menaces ont-elles été émises à la suite de l’annonce de deux discussions en apparence complètement inoffensives? Parce que les événements de la semaine dernière s’inscrivent dans un scandale plus grand, le Gamergate, qui a fait beaucoup de bruit l’année dernière.

Le Gamergate était – et est toujours – un débat en ligne sur deux thèmes principaux: le traitement des femmes dans les jeux vidéo et l’éthique dans le journalisme de jeux.

Une discussion qui a très souvent tourné au vinaigre alors que des journalistes, féministes et développeurs de jeux – en quasi-totalité des femmes – ont été intimidés pendant des mois, en plus de recevoir des menaces très explicites.

La critique de jeux vidéo Anita Sarkeesian a d’ailleurs dû annuler une discussion dans une université l’année dernière, après avoir reçu une menace prédisant que son événement serait accompagné de la «plus grande tuerie dans une école de l’histoire américaine».

De nombreux médias ont publié de bons résumés du dossier, notamment le magazine Time et le site web Vox.

Levée de boucliers contre SXSW

Il est difficile de dire à quel point les événements du Gamergate ont contribué à l’indignation de la presse causée par l’annulation des discussions par SXSW, mais la réponse de la communauté a été franche et rapide.

Le lendemain de l’annonce, le journaliste Chris Kluwe du site The Cauldron titrait une missive «SXSW’s Astounding Ideals of Cowardice» (Les idéaux de lâcheté incroyables de SXSW). Pour ce dernier, la décision du festival était carrément «embarrassante, injustifiable et minable». Kluwe regrettait notamment la réaction nonchalante de SXSW, qui ne semblait tout simplement pas intéressé à fournir les efforts nécessaires pour régler les problèmes d’intimidation.

Certains médias ont aussi menacé SXSW de ne pas couvrir leur festival à moins qu’il ne s’attaque sérieusement à la problématique de l’intimidation. C’est notamment le cas de Buzzfeed et de Vox, la compagnie derrière le site spécialisé en technologies The Verge.

SXSW s’excuse

Après plusieurs longues journées, SXSW a finalement changé son fusil d’épaule vendredi dernier, en annonçant que les deux discussions allaient non seulement avoir lieu, mais qu’elles seraient intégrées dans une journée complète consacrée à l’intimidation en ligne, avec déjà 25 présentateurs confirmés.

Les problèmes du festival pourraient toutefois ne pas être terminés puisque la seconde des discussions rétablies, «SavePoint: A Discussion on the Gaming Community», inclurait des gens qui «supportaient» le Gamergate et que des participants à d’autres conférences pourraient pour cette raison annuler leur participation à l’événement, comme l’explique le site spécialisé re/code.

Les observateurs s’entendent toutefois pour dire que SWSX a au moins pris la bonne décision en prenant le taureau par les cornes et que le festival a encore le temps de peaufiner son événement, puisque le sommet sur l’intimidation en ligne n’aura lieu que le 12 mars 2016.