La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Voyager hors saison, pourquoi pas?

Novembre. Chaque année, à cette période, c’est le même scénario: ma bonne humeur habituelle se fait aussi rare que le soleil. Plus les journées raccourcissent, plus j’ai du mal à me tirer du lit et à être efficace (oui, j’ai essayé la luminothérapie — j’ai même une lampe de voyage!). C’est aussi le moment de l’année où plusieurs hôtels et sites touristiques voient leur clientèle diminuer au Québec. Entre les couleurs de l’automne et les paysages enneigés, les gens préfèrent généralement se terrer chez eux ou filer à l’étranger, dépression saisonnière ou pas.



Comme je mène différents projets d’écriture de front, j’ai eu envie de me réfugier dans un endroit calme pendant quelques jours. Une station de ski avant la neige, ça doit être tranquille, non? me suis-je dit. C’est comme ça que je me suis retrouvée à Mont-Tremblant, où j’aime autant flâner que faire de la randonnée.

J’espérais la sainte paix, mais je ne croyais pas que je l’aurais autant! À l’hôtel Fairmont, où je me suis installée pendant quatre jours, il m’est arrivé d’avoir le restaurant à moi toute seule. Dans les sentiers environnants, où il y a parfois presque des embouteillages en juillet (!), j’ai croisé moins d’une dizaine de randonneurs pendant mon séjour. Sans parler des rues du village piétonnier, où je déambulais seule le soir venu! L’exception: la microbrasserie La Diable, plus animée à la tombée de la nuit.

Bien entendu, il y a eu quelques inconvénients. Impossible d’accéder au sommet (à moins d’avoir l’énergie de monter à pied), les télécabines étant en maintenance avant la saison de ski. Côté température, j’ai eu droit à une journée exceptionnelle (j’ai même fait une randonnée en t-shirt!) et une de pluie, ce qui m’a ravie puisque j’ai pu maximiser le temps passé à écrire près du feu de foyer.

La période creuse est aussi le moment où les hôtels choisissent de faire leurs rénovations. Mais mis à part des travaux de peinture et des bruits un peu incommodants le premier jour (pas assez longtemps pour me faire tourner en bourrique), rien à signaler. Très franchement, c’était parfait pour mon état d’esprit actuel.

Mont Tremblant. Photo: Marie-Julie Gagnon.
Mont Tremblant. Photo: Marie-Julie Gagnon.

Voyager hors des périodes de pointe

Si, à Tremblant, les prix restent similaires toute l’année (c’est-à-dire: élevés), voyager hors saison permet généralement de faire d’importantes économies. En Thaïlande, combien de fois ai-je pu négocier le prix d’une chambre dans un hôtel ou une auberge? Je me fichais bien que la météo ne soit pas toujours parfaite: je pouvais prendre davantage mon temps puisque mes économies fondaient moins rapidement.

«En hors saison, même si les prix affichés sont identiques, vous pouvez facilement négocier une remise de 30% ou plus», écrit le blogueur Fabrice Dubesset, qui publie aussi un tableau indiquant la basse saison dans différents pays sur son blogue Instinct voyageur.

«J’adore voyager en basse saison, confie quant à elle la blogueuse Pascale Langlois, qui a notamment visité la Côte-Nord en hiver, montant même à bord du traversier Bella Desgagné en plein mois de janvier. Sauf qu’on se bute parfois à des portes closes, comme en Belgique où TOUT ferme après les fêtes de fin d’année. C’est un peu contraignant.» La Belgique est toutefois loin d’être le seul endroit sur la planète où l’on a du mal à manger au restaurant un 2 janvier…

La température reste souvent la raison principale pour laquelle les gens décident d’éviter certaines périodes. «Il faut savoir que basse saison, dans certaines régions, ça veut dire saison des pluies ou saison froide, met en garde le photographe, journaliste et blogueur Michel Julien. Bien des gens ne pensent pas à ça, réservent et sont déçus.»

Elzéar Belzile, géologue, ajoute: «L’avantage de la basse saison est surtout pour les lieux très touristiques où les prix peuvent changer beaucoup. […] Le seul inconvénient, c’est parfois la température. En période de mousson, ça se peut qu’on aie à subir... la mousson. Il faut en être conscient !»

Seth Kugel, du blogue Frugal Travel, du New York Times (une mine d’info pour quiconque cherche à économiser en voyage), abonde dans le même sens. «Les grandes destinations touristiques constituent le meilleur choix pour profiter de remises nettes durant la morte-saison parce que ces économies dépendent entièrement des revenus du tourisme, par opposition aux revenus produits par les voyages d’affaires.»

La Côte-Nord en hiver. Photo: Facebook Tourisme Côte-Nord.
La Côte-Nord en hiver. Photo: Facebook Tourisme Côte-Nord.

Un lieu juste à soi

Lucie Octeau et son conjoint ont décidé de partir au Pérou en janvier, même si l’agence de voyages leur déconseillait fortement cette période à cause de la saison des pluies. «Nous, c’était là ou pas du tout. On n’a même pas choisi le classique Chemin des Incas, mais plutôt le Chemin Salkantay, une autre route alternative. Même hors saison, le chemin classique est très achalandé. On voulait la paix. On l’a eue! On a eu l’impression d’être seuls au monde pendant trois jours au cœur des Andes (avec guide et porteurs quand même). Il n’y avait que notre tente au pied du glacier... […] Un gros trip nature qu’on n’aurait pas vécu aussi intensément si on avait été au milieu d’une queue leu leu de pèlerins, c’est sûr.»

Petit hic: quelques jours auparavant, la pluie avait emporté un bout de route. «On a dû modifier un peu notre chemin, poursuit Lucie. On a fait quelques heures sur une petite route de terre, au lieu de tout faire en sentiers, dans le bois (so what!). Voyager hors saison, pour nous, c’est voyager hors foule. On adapte nos attentes. Et on n’a pas été déçus jusqu’à maintenant.»

Pour la blogueuse Lucie Aidart, qui aime généralement voyager hors des périodes de pointe, une récente expérience s’est avérée moins positive. Après avoir réservé une chambre dans une auberge de jeunesse dans une petite ville argentine par l’entremise du site Web du réseau Hosteling International, elle s’est retrouvée… à la rue. «Je débarque après un bus de nuit et l’auberge est fermée, en travaux, avec personne à qui parler. J’ai appelé en vain. Sauf que j’ai mis trois heures à trouver un autre logement ouvert, que ça m’a coûté trois fois plus cher (un appart) et qu’il n’y avait rien pour repartir ce jour-là.»

Machu Picchu, Pérou. Photo: Pixabay.
Machu Picchu, Pérou. Photo: Pixabay.

L’hiver pas cher

Si, comme Maude Carrier, qui a lancé le printemps dernier le blogue MCglobetrotteuse, le froid ne vous rebute pas, les bonnes affaires sont nombreuses. «Mon meilleur exemple de voyage en basse saison? Un billet aller-retour pour Hong Kong à moins de 700$ en février 2014. Je suis allée jusqu’à la Grande Muraille de Chine et nous étions… cinq. Pas 5000, cinq! Malgré le temps un peu plus froid, c’était très joli avec la neige, ça donnait un look encore plus mystique à l’endroit.»

Marie-Sophie L’Heureux, rédactrice en chef et éditrice de Santé inc., a trouvé une aubaine similaire. Prix de son billet d’avion pour Tokyo en janvier: 787$. «La température hivernale rappelle nos printemps et les attractions ne sont pas trop bondées!»

La Grande Muraille de Chine. Photo: Pixabay.
La Grande Muraille de Chine. Photo: Pixabay.

Et le Sud?

Vous l’avez sans doute remarqué si vous surveillez les aubaines pour le Sud, l’une des périodes les plus abordables reste l’automne. «En octobre, j’ai pu avoir un 5 étoiles à moitié prix sur la Riviera Maya, raconte Chantal Bien. Il faisait 40 et j’avais un bout de plage à moi seule... le jack pot! »

«Dans les tout inclus du Sud, souvent, la prime pour personne seule ne s’applique pas en baisse saison, rappelle pour sa part Françoise Genest, directrice d’Avenues. Comme c’est en moyenne 250$ par semaine, ça compte.»

Par contre, certains inconvénients peuvent rebuter même les plus motivés. Karine Phaneuf, agente de voyages, mentionne les risques d’ouragans, notamment. «En automne, saison morte pour le Sud, il y a aussi a beaucoup de formations de nouveaux employés. Parfois, il arrive que cela affecte la qualité du service. Il y a aussi beaucoup de rénovations à cette période dans les hôtels.»

Elle ajoute cependant: «Comme je suis sauvage et cheap (rires), j’aime bien voyager l’automne malgré tout. J’ai d’ailleurs l’impression que c’est de plus en plus populaire, car la plupart de mes groupes mariages — j’en fais une vingtaine par année — partent maintenant en automne.»

Riviera Maya. Photo: Pixabay.
Riviera Maya. Photo: Pixabay.

Partir juste avant la haute saison

La Grèce en octobre, une fois la folie estivale passée, fait partie de mes bons souvenirs de voyage. À Santorin, l’une des destinations touristiques les plus populaires de la planète, même si certains restaurants étaient déjà fermés jusqu’au printemps, j’ai aimé pouvoir me balader sans jouer du coude (pour tout vous dire, je trouvais qu’il y avait encore trop de monde, alors je n’ose pas imaginer la foule en août!). Toutefois, les déplacements étaient plus complexes pour se rendre sur certaines îles à cause de la fréquence réduite des départs.

Et si on partait juste avant l’arrivée de la cohue, histoire de maximiser ses chances d’avoir du beau temps? C’est ce qu’a fait la productrice multiplateforme Gina Desjardins à deux reprises ces dernières années. À Hawaii à la fin du mois d’avril et au début de mai, elle a apprécié le calme des lieux. «En randonnée, on avait l’impression d’être seuls dans la montagne!»

Idem en Espagne à la mi-juin: «On n’avait aucun plan, raconte-t-elle. On choisissait un hôtel dans la ville où on avait envie de dormir au jour le jour. Nous avons eu de bons prix partout. Jamais de foule. Il y avait aussi plus de "locaux" que de touristes dans les restaurants.»

La blogueuse Béatrice Bertrand-Poulin a vécu une expérience similaire aux Îles de la Madeleine au printemps, tout comme l’auteure Julie Champagne, en juin: «J’ai le souvenir des plages des Îles de la Madeleine juste pour nous, comme si on les découvrait pour la première fois!»

L’expérience s’est répétée en Islande à la même période. «J’ai même été hébergée gratuitement quelques nuits, se souvient Julie Champagne. Quand il n’y a pas trop de touristes (ou qu’ils ne sont pas encore épuisés à la fin de la haute saison!), les gens du coin sont encore plus chaleureux et aidants.»

Autre avantage non négligeable des voyages hors saison, comme le rappelle Karine Phaneuf: «Ça fait aussi souvent de plus belles photos, sans la foule!»

Note : une partie des frais de mon séjour a été payée par Fairmont Tremblant et l’Association de villégiature Tremblant.


Pour en savoir plus

Le voyage hors saison

Béatrice Bernard-Poulin

20 octobre 2016

Eille la cheap!

Pourquoi et comment partir hors saison?

Fabrice Dubesset

19 novembre 2015

Instinct voyageur