La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Le visage de Julie Snyder

J’aurais aimé vous parler de culture avec un grand C, mais il semble que ce qui occupe le plus l’espace médiatique ces derniers jours, à part la triste perte du commentateur politique Jean Lapierre et celle du pionnier de la télé québécoise Jean Bissonnette, soit le visage de Julie Snyder.

La populaire animatrice et productrice n’est pas une proche, je n’ai jamais fait partie de ses équipes de travail. J’ai travaillé pour Quebecor, donc pour Pierre Karl Péladeau à quelques reprises, notamment à TVA ou pour Le Journal de Montréal qui m’a mise en lock-out en 2009 et où, pour toutes sortes de raisons qui n’ont rien à voir avec le contenu de ce billet, je ne suis jamais retournée après le règlement. Voilà le seul lien que j’aurais avec elle. Je ne pense même pas lui avoir déjà serré la main. Quoiqu’on puisse entendre, dire ou voir sur sa manière de diriger, d’animer, de gérer, d’interagir avec ses employés, ses intimes ou le public, ce que j’y ai toujours vu de mon œil de téléspectatrice et de communicatrice, c’est une battante, persévérante, qui a certainement quelques vilains défauts, comme nous tous, mais dont j’estime la manière de s’être taillé une place bien à elle dans l’espace télévisuel québécois. Je crois comprendre, sans connaître les tenants et aboutissants de sa trajectoire personnelle et professionnelle, qu’elle s’est construit, dès ses touts débuts, sans plogues ou contacts particuliers dans le compétitif et féroce milieu des médias, une carrière enviable et méritée en mettant en valeur sa pétillante fougue singulière et que cette carrière perdure parce qu’elle a su bien s’entourer, certes, mais sans doute aussi parce qu’elle est talentueuse, sinon, elle n’aurait duré que le temps d’un ou deux printemps.

Bien sûr que dans ce milieu où les «stars» sont scrutées à la loupe, analysées, commentées, jugées, critiquées, adulées, alléluia, encore plus à l’ère des réseaux sociaux, où il faut être armées jusqu’aux dents, bien sûr que ces stars doivent s’écrouler le soir lorsqu’elles retirent maquillage, talons hauts et robes griffées. Et bien sûr que ça fait partie de la job, qu’elles savent dans quoi elles s’embarquent, qu’il y a aussi plusieurs fans qui les aiment énormément passionnément pour compenser, qu’avoir du fric ça aide un peu à faire passer la pilule, faut l’avouer, quand même, et bien sûr qu’il y a tellement d’autres avantages à la gloire et à la réussite sociale. Bien sûr, bien sûr, bien sûr.

La fameuse vidéo



Il n’en demeure pas moins inadmissible, voire épeurant, de constater de quelle manière certaines de ces personnalités publiques dont Julie Snyder qui, on s’entend, n’a ni largué des bombes au Carré St-Louis, ni licencié massivement des employés, ni abusé d’un enfant qui était sous sa responsabilité, ni volé dans les poches des contribuables, ni été arrêtée pour alcool au volant, sont traitées avec mépris, ridiculisées, démolies. Pour RIEN. Ah oui, c’est vrai, la populaire animatrice et productrice avait diffusé massivement sur Internet une vidéo promotionnelle pour inviter les gens à participer à son émission Le banquier. Et, dans la vidéo en question, elle apparaît avec un visage «différent». Peut-être. Très vite, des Internautes et blogueurs, pseudo journalistes de cuisine, hommes comme femmes soit dit en pensant, y sont allés de médisances, l’accusant de s’être fait charcuter le visage et patati et patata. Mais dans quelle espèce d’ère du vide vit-on? Que ce soit l’éclairage, le maquillage, la prise de vue, la température, les états d’âme de l’animatrice, qu’elle ait, oui ou non, subi des modifications, qu’est-ce qu’on s’en fout que Julie Snyder affiche le visage qu’elle veut bien présenter. Depuis, la vidéo a été retirée et une lettre officielle de son directeur des communications déclarait que Julie Snyder n’avait pas subi de chirurgies esthétiques. Quelques mois avant, des commentaires et analyses tout aussi impertinents s’étaient attardés sur sa maigreur. Ben oui. Julie était apparue maigre à l’écran et sur photos. Et puis? À ceux qui se préoccupent de ça, qui sautent sur la moindre canine croche ou petit bourrelet apparent (parce que l’ère des corsets est loin derrière…): saviez-vous que, dans le paysage culturel, il n’y a vraiment pas suffisamment de quoi se nourrir en ce moment? La pièce L’orangeraie de Larry Tremblay, adaptée de son fort encensé roman et présentement à l’affiche, vous connaissez? Le film Les mauvaises herbes de Louis Bélanger? Sinon, avez-vous pensé faire du bénévolat, regarder des soaps, faire du tricot, chanter dans une chorale, faire l’amour, aller magasiner au Dix30? De grâce, trouvez-vous une vie.

Photo: Facebook Julie Snyder
Photo: Facebook Julie Snyder

Ah ! Ces sacripants qui se cachent

C’est arrivé à Julie Snyder, mais d’autres personnalités, plus souvent des femmes que des hommes, subissent chaque jour des commentaires dégradants sur leur apparence. Enceinte de ma fille, alors que j’avais pris beaucoup de poids, j’ai moi-même reçu un message de bêtises d’une femme qui me trouvait plus grosse qu’à l’habitude, insistant pour me dire que le rouge à la télé, hum, fallait éviter… Oui, ça m’avait écœurée. Pensez-vous vraiment que Julie Snyder et les autres qui lisent ces commentaires répandus à tout vent sont insensibles aux messages haineux? Que ça leur coule comme de la petite eau de pluie sur le dos des canards? Non. C’est bien sûr pour ça que ceux qui écrivent ce genre de choses en rajoutent, cachés derrière l’écran de leur portable, les sacripants.

Qu’on critique la manière dont une personnalité mène une entrevue, qu’on commente son manque de rigueur, sa mauvaise foi, son absence de professionnalisme, soit, mais qu’on démolisse un individu pour des traits, le poids, les vêtements, les cheveux, les dents… c’est ridiculement bas et futile. Et encore plus quand, au même moment, des kamikazes se font sauter un peu partout dans le monde en faisant d’innocentes victimes… Ça rend ce genre de considérations de bas étage gênantes au cube. J’ai honte.

Je craque pour…

La mort m’a dit, le documentaire de Marcia Pilote avec son amie Anne-Marie Séguin, réalisé par Maude Sabbagh et Frédéric Nassif et diffusé aux Grands Reportages d’ICI RDI, le mercredi 30 mars à 20h.

Les vraies affaires se passent dans ce documentaire de 45 minutes dans lequel Anne-Marie Séguin, 51 ans, mère de quatre enfants et atteinte d’un cancer incurable confie à sa grande amie Marcia Pilote la manière dont elle entrevoit sa mort prochaine. C’est fait avec lucidité, simplicité, sans flafla, racolage ou effets de style. En visionnant ce film de qualité qui devrait connaître une belle et longue vie, on pleure en bibitte, mais après, il m’a semblé à moi que la mort affichait un nouveau visage, un petit peu plus accueillant. Non pas que je me vautrerais dans ses grands bras froids demain matin, mais, mettons que j’ose la regarder en face. Un peu plus.

Par souci de transparence, j’avoue avoir travaillé, de 1998 à 2000, dans la joie et l’allégresse, avec Marcia et Anne-Marie au contenu de l’émission Claire Lamarche jadis diffusée sur TVA. Les connaissant un peu, je suis bien placée pour vous dire qu’elles ont fait le tout avec un respect et une sincérité indéniable. Belles bises à elles.