La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Le tourisme vert est-il aussi bénéfique qu’on le croit?

L’écotourisme, comme le crédit compensatoire de carbone permettant de neutraliser son empreinte climatique, donne bonne conscience. Mais le vert cache parfois d’autres couleurs… L’effet de mode aurait-il engendré quelques dérapages? Alors que les Émirats arabes unis viennent d’annoncer la construction de «la station de vacances la plus écolo du monde», de plus en plus d’experts s’interrogent sur l’envers du tourisme dit «responsable».

Au début du mois, différents intervenants de l’industrie touristique se sont penchés sur la question lors d’une conférence à l’UQAM. Parmi eux se trouvait Alain-Adrien Grenier, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM.  «Plusieurs milieux touristiques, notamment dans les pays en voie de développement, ont constaté les dégâts que le tourisme de masse a engendrés dans les stations balnéaires, a-t-il confié à La Presse. Ils ont voulu attirer plutôt les clients vers leur nature, loin de la plage. Mais ils ne se rendent pas compte qu’ils vont détériorer leur nature, comme le milieu balnéaire a été détérioré. Nous sommes en train d’observer une massification du tourisme de nature au nom de l’écotourisme, et ça, ce n’est pas bon. » 

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C’est quoi, l’écotourisme?



Écotouriste, tourisme vert, tourisme responsable ou durable… Les termes pour désigner une industrie axée sur le respect de l’environnement et des populations locales sont déclinés à l’infini pour satisfaire les voyageurs, si nombreux à vouloir se dissocier de l’image du touriste inconscient. Mais comprennent-ils les véritables enjeux?

«On croit souvent que le tourisme durable, c’est juste dormir dans un arbre ou partir à l’autre bout du monde pour faire un trek et rencontrer des populations locales, a expliqué Guillaume Cromer, directeur gérant du cabinet ID-Tourism et président de l’association Acteurs du tourisme durable, à Opinion internationale, lors du Salon du tourisme de Paris. Mais le tourisme durable, c’est beaucoup plus vaste et plus complexe que cela. Il s’agit d’intégrer tous les enjeux du développement durable (qu’ils soient sociaux, économiques ou environnementaux) dans toutes les entreprises et destinations touristiques.» L’amélioration des conditions de travail des employés sur place et des mesures concrètes pour intégrer les habitants en font partie.

Dans La Presse, le fondateur de l’agence de voyages d’aventures Karavaniers, Richard Rémy, qui a aussi pris part à la conférence de l’UQAM, dénonce les salaires ridicules payés aux employés locaux comme les porteurs par certains gros joueurs de l’industrie. «À la fin de l’année, ils se vantent de réinvestir dans les communautés locales, par exemple en creusant un puits.»

Il déplore aussi les dégâts le long du sentier qui va au camp de base de l’Everest, soulignant l’insouciance des touristes qui veulent prendre une douche d’eau chaude sans se questionner sur le moyen utilisé pour obtenir la température désirée. «La forêt est rendue à 15 km alors qu’elle était à la porte il n’y a pas longtemps. Les gens locaux doivent maintenant marcher trois heures pour se rendre à la forêt parce que les touristes veulent de l’eau chaude.»

Du bon, malgré tout

Bien fait, l’écotourisme peut toutefois être bénéfique pour la société, croit pour sa part Eco-Business. «À Hong Kong, par exemple, il a aidé à restaurer l’île de Yim Tin Tsai. Grâce aux dollars du tourisme, d’anciennes églises ont pu être reconstruites et des familles du coin, supportées.»

Je l’admets: plus je lis sur le sujet, plus je me perds. Les études se contredisent et il n’est pas toujours facile de séparer le bon grain de l’ivraie. Difficile de s’assurer de la crédibilité de certaines sources et les intérêts semblent parfois à peine voilés...  Après la lecture de plusieurs articles sur le sujet, j’ai encore plus de doutes qu’au moment d’entreprendre mes recherches.

C’est tout aussi déroutant quand on tente de comprendre les conséquences du tourisme vert sur les animaux. Alors que certains brossent un portrait plutôt sombre de la situation, d’autres soulignent son apport positif. Une étude menée par l’université australienne de Griffith rapportée par Le Monde indique par exemple que, dans l’ensemble, le tourisme vert serait  positif pour les animaux vivant dans les lieux prisés des vacanciers. «Mais en gagnant du terrain, l’écotourisme entraîne un recul des espaces naturels, nuance la journaliste Clémentine Théberge. Infrastructures, hôtels, transports en 4x4 ou hélicoptère, les conséquences négatives sont nombreuses.»

Selon l’étude dont il est question dans l’article du journal Le Monde, l’écotourisme est bénéfique pour huit des neuf espèces étudiées. «L’effet le plus frappant est observé sur les orangs-outans de Sumatra. Alors que, sans écotourisme, cette espèce est vouée à s’éteindre, une pratique largement diffusée permettrait la sauvegarde de cet animal. En adoptant le tourisme vert à grande échelle, les bénéfices seraient suffisants pour surpasser les impacts de la déforestation et ainsi sauver l’habitat des primates.»

À la lumière de tous ces avis, comment le voyageur moyen peut-il s’y retrouver? Et si, en pensant bien faire, on empirait parfois les choses? Non, pas toujours simple de savoir si l’on est vraiment du côté «des gentils».