La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Steven Spazuk, un artiste toujours en feu

Il en a encore fumé du bon. L’artiste Spazuk, qui peint à partir de la suie que laisse la fumée d’une flamme qu’il fait courir sur la surface de ses tableaux, s’installe à la galerie Station 16 du boulevard Saint-Laurent avec un nouveau corpus d’œuvres, toujours aussi percutant.



Ça fait presque 20 ans que le Montréalais Steven Spazuk développe sa technique de fumage. D’une exposition à l’autre, il fait preuve d’une maitrise toujours plus grande. Pas étonnant que la marque de briquets Zippo en ait fait son porte-parole.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Imaginez l’adresse qu’il faut pour manier le flambeau, de manière à ce qu’il laisse un résidu qui pourra être transformé en oiseau, en papillon, en lapin, en grenade ou en Donald Trump!

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Le tableau dans une main, la torche dans l’autre, le créateur sait les gestes qu’il doit faire, l’angle qu’il doit donner à son canevas, pour obtenir de la densité, de la légèreté, du mouvement. Pour les plus grandes surfaces, il s’exécute couché.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Le support sur lequel l’artiste travaille est constitué d’un panneau de bois enduit de gesso, un plâtre qui sera finement sablé pour éliminer toute porosité. La suie noire qui se dépose sur cette surface d’un blanc immaculé est ensuite travaillée au pinceau, à la plume, à l’Exacto.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Ainsi prend forme l’imaginaire de Spazuk, un monde en noir et blanc où des moineaux et des pinsons se perchent sur des grenades qu’un rien pourrait dégoupiller.

L’exposition, qui se déroule à Station 16,  du 23 novembre au 16 décembre, s’intitule Minuit -1. «J’ai des enfants, je suis très préoccupé, dit Steven Spazuk. Réunir dans un même tableau un oiseau, symbole de fragilité, et une grenade, l’invention la plus méchante qui soit, est ma façon de faire prendre conscience que la planète ne va pas bien.»

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Dans cet esprit, on n’est pas surpris de voir deux «méchants moineaux» sur les murs de la galerie: Donald Trump et Kim Jong-un, goupilles entre les dents. En or pour l’un, en diamant pour l’autre.

Spazuk fait aussi un Georges Brossard de lui-même. Il a commencé à intégrer les insectes dans son univers, toujours dans l’idée de nous sensibiliser aux menaces que l’humain fait peser sur l’écosystème en les éliminant.

«J’ai fait un petit sondage maison sur notre rapport aux bibittes, pour me rendre compte que notre perception de ces espèces n’est pas très bonne. J’essaie de les réhabiliter en les représentant dans mes œuvres.»

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Tout n’est pas noir dans l’univers du peintre du feu. Il y a de la dorure, les tableaux sur fond de feuilles d’or sont spectaculaires, il y a des fleurs, le tondo (support circulaire de 5 pieds de diamètre) n’est rien de moins qu’attractif, et grande nouveauté, il y a aussi des émoticônes, qui amènent une touche de légèreté. Steven Spazuk m’a d’ailleurs confié que ces pictogrammes en passe de transformer notre façon de communiquer seront au cœur de sa prochaine exposition prévue à New York l’année prochaine. Quand je vous dis qu’il est en feu!