La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Laissons les profs faire de la magie en culture

J’ai souvent parlé de cette enseignante chez les bonnes sœurs du Collège Notre-Dame-de-Lourdes, qui, repérant chez moi une mélancolie, un besoin d’amour insatiable, une anxiété profonde et plein d’autres affaires de jeune fille mal dans sa peau, avait décidé de m’apporter des romans de sa propre bibliothèque (Jacques Poulin, Anne Hébert, Françoise Sagan…).



En plus de faire grandir mon amour pour les arts et la littérature, qui me font vivre aujourd’hui, elle m’avait trouvé des complices rassurants en des personnages pas banals, complexes, si près de moi. Je me sentais enfin comprise, «normale», enfin, moins «extraterrestre» avec mes idées et pulsions marginales. Sans le savoir – ou peut-être le savait-elle justement –, cette prof m’a un peu beaucoup sauvé la peau, peau que je porte encore à l’envers et qui ressent toutes sortes d’affaires qui me rendent intense, qualificatif et supplément d’âme méprisé en cette époque de répression d’excès et de culte du «soyez heureux, vivez mieux, restez calme, respirez, ralliez-vous…!». Cette «faiblesse» est devenue une force qui me pousse à écrire, à lire aussi, toujours en quête de complices de pensées trouvés au fil des ans.

Photo: Gaelle Marcel, Unsplash
Photo: Gaelle Marcel, Unsplash

Ces profs un peu devins qui détectent et célèbrent la différence de leurs élèves en faisant émerger d’eux, à un moment ou l’autre, ce «supplément d’âme» qui peut mener au pire comme au meilleur, quand on le repère à temps, je les honore en cette Semaine des enseignant.e.s. Parmi ceux-là, il y a Pierre, enseignant de musique à l’école primaire montréalaise Madeleine-de-Verchères. Voisine de cette école depuis quatre ans, je n’entends que du bien de ce Pierre qui, malgré son air d’éternel ado, est là depuis belle lurette. Dans une vidéo qui circule à son sujet, au-delà de ses élèves qui entonnent en concert Paradis City de Jean Leloup, ça saute aux yeux, cet homme fait naître des passions et, oui, j’ose écrire qu’au fil des ans, il a peut-être sauvé quelques brebis égarées du quartier...

Pierre est tellement aimé que ces jours-ci, les parents des élèves de cette école de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) se mobilisent pour éviter qu’en raison d’un surpeuplement – les écoles publiques débordent –, son local de musique lui soit retiré. Pour pallier le manque criant d’espace, une unité préfabriquée pourrait être installée dans la cour d’école, si seulement la Commission scolaire donne son aval financier et si la Ville, elle, accorde le permis… Vous l’aurez compris, l’incertitude règne. D’autant plus qu’advenant la présence de ce type d’unité, rien n’indique qu’il accueillera la dite classe de musique…

La part manquante du Lab-École

Au même titre que l’éducation physique mise à l’honneur dans le fameux projet du Lab-École, organisme sans but lucratif qui vise à rassembler une expertise multidisciplinaire (Ricardo Larrivée en alimentation, Pierre Thibault pour l’environnement physique et Pierre Lavoie pour les saines habitudes de vie) pour concevoir l’environnement des écoles de demain, l’apprentissage et la valorisation des arts devraient aussi figurer parmi les priorités. Ce n’est pas comme s’il manquait de «spécialistes» dans le domaine... Tiens, pourquoi pas une femme pour compléter le trio de gars? Une écrivaine? Une musicienne? Une peintre?

Si les cubes énergie, la lumière naturelle et les bons aliments (hahum… étrange quand même alors qu’on a même abolit le programme du Club des petits déjeuners à Madeleine-de-Verchères, faute d’espace…)  rendront plus forts les adultes de demain, je suis pas mal sûre qu’une bibliothèque du tonnerre ou qu’un local de musique endiablé peuvent, eux, allumer des flammes. Pourquoi ne pas commencer par là? Surtout quand, en plus, un enseignant un peu devin et à l’écoute tire sur la bonne ficelle pour faire opérer la magie qui dure toujours. De grâce, ne jouons pas aux éteignoirs. 

Je craque pour… Écoute-moi bien de Nathalie Rykiel (Stock)

La grande couturière Sonia Rykiel est morte à Paris le 25 août 2016, à 86 ans. Hors normes, avant-gardiste, elle fait partie de ces figures marquantes de la mode, mais aussi de ces artistes qui ont contribué à honorer l’indépendance des femmes qu’elle habillait. Dans ce récit écrit par sa fille Nathalie, c’est Sonia la mère qui est dévoilée. L’auteure témoigne de leur relation, mais aussi de l’inversion des rôles qui se produit quand, dans la maladie, l’enfant devient le parent… du parent. Actuel et percutant, qu’on aime ou pas la mode.

alt="ecoute-moi-bien-nathalie-riekel"