La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Livres

Une rentrée littéraire prometteuse… qui vous ruinera

Mettez de l’argent de côté tout de suite ou soyez vite sur le mode réservation à votre bibliothèque de quartier parce qu’à voir se pointer la rentrée littéraire, si vous êtes maniaques de lecture, ça risque de vous exciter autant que moi. Elle est bonne et grande, à mon sens, cette cuvée automnale de 2016. Peut-être un peu sombre par moment, mais profonde et particulièrement génératrice de beaucoup de réflexions. De quoi alimenter des discussions dans les semaines à venir. Voici une sélection bien partielle de ces titres que vous verrez apparaître en librairie. Ajustez vos lunettes, certains livres sont disponibles dès maintenant.

Autant l’écrire d’entrée de jeu, le nouveau roman du journaliste et auteur Simon Liberati, qui en avait épaté plus d’un avec Eva l’an dernier, revient avec une petite bombe plus forte que son dernier, ne serait-ce que par la nature percutante du sujet. Celui qui m’avait séduit il y a quelques années avec Jayne Mansfield 1967, revient décortiquer un fait réel et marquant du 20e siècle en posant sur lui un regard à la fois personnel et romancé.

Simon LiberatiCette fois, dans California Girls (éd. Grasset, 17 août), il s’est intéressé aux filles de la «famille» du pas très sympa Charles Manson. À l’époque des crimes du groupe en 1969, Liberati avait 9 ans et est demeuré sous le choc de cette image de ces trois jeunes femmes de 20 ans défiant les tribunaux américains, une croix sanglante gravée sur le front. Des droguées… voilà ce qu’on disait d’elles, des droguées qui avaient commis des crimes monstrueux sous l’emprise d’un gourou qu’elles prenaient pour Jésus-Christ. Il nous fait d’ailleurs revivre, seconde par seconde, le martyr de l’actrice et compagne de Roman Polanski, Sharon Tate, assassinée alors qu’elle était enceinte de huit mois. De la petite bombe que ce roman, mais pour ceux qui ont le cœur bien accroché…

Les mélancoliques adorés

J’ai aussi pu lire avant sa sortie le dernier roman de Jean-Paul Dubois, qui, je sais, compte plusieurs fans parmi vous… Intitulé La succession (éd. L’Olivier, 23 août), ce roman est une saga familiale sur trois générations du point de vue du petit-fils trentenaire, un certain Paul Katrakilis, un médecin et joueur de jai alai, expatrié à Miami, seul survivant d’une lignée de suicidés excentriques. Il n’y a rien de banal dans l’écriture somptueuse, drôle, unique et mélancolique à la fois d’un Dubois qu’on retrouve avec plaisir après cinq ans de silence.

Du côté des valeurs sûres outremer, Tonino Benacquista revient nous faire sourire en coin et réfléchir sur nos contemporains avec Romanesque (éd. Gallimard, 18 août). Le célèbre auteur français d’origine italienne de Saga et de Quelqu’un d’autre n’avait pas publié depuis son Homo Erectus en 2011. Il revient donc avec l’histoire d’un couple de Français en cavale à travers les États-Unis qui se rend dans un théâtre, au risque de se faire arrêter, pour y voir jouer des personnages qui, malgré les mille ans qui les séparent d’eux, leur ressemblent étrangement. Comme les protagonistes sur scène, ils devront affronter tous les périls, traverser les continents pour vivre enfin leur passion au grand jour.

mankell

Comme s’il ne voulait pas qu’on l’oublie celui-là (comment aurions-nous pu?), l’écrivain suédois Henning Menkell, mort à 67 ans le 5 octobre dernier, n’a pas laissé ses lecteurs en plan trop longtemps en sortant son ultime roman policier, Les bottes suédoises (éd. Seuil, 18 août), qui brosse le portrait en clair-obscur d’un homme tenaillé par le doute, le regret, la peur face à l’ombre grandissante de la mort. Soif d’amour et de désir viennent aussi accompagner celui qui doit revisiter son destin et reprendre goût à la vie. Sobriété, espoirs et lucidité teintent cette histoire et viennent clore pour de bon l’histoire des Chaussures italiennes.

La prolifique plume Nothombienne

Les femmes aussi ont leur place en cette rentrée, pensons à la plus célèbre écrivaine belge, qui écrit aussi vite que Fabienne Larouche. C’est Riquet à la houppe (éd. Albin Michel, 18 août) que l’excentrique et fort sympathique Amélie Nothomb propose à ses fans, un vingt-cinquième roman après Le crime du comte Neville. «L’art a une tendance naturelle à privilégier l’extraordinaire.», peut-on lire sur sa quatrième de couverture. Dame Nothomb aime garder le mystère planer au-dessus de ses histoires, qu’elle écrit en s’y consacrant à part entière. Est-ce qu’un prix littéraire lui reviendra cette année ? À suivre…

KleboldUne qui mériterait certainement le prix de la résilience s’appelle Sue Klebold et signe Colombine – Comment mon fils a-t-il pu tuer? (éd. Robert Laffont, 3 novembre). Rappelons-nous du 20 avril 1999 au lycée de Columbine, alors que Dylan Klebold et Eric Harris tuaient douze élèves et un professeur avant de se suicider. Dix-sept ans après, la mère de Dylan parle pour la première fois. Un témoignage brut et bouleversant par celle qui a toujours refusé de s’exprimer. Les tueries de ces dernières années dans les écoles américaines l’ont incitée à briser ce long et douloureux silence. Je sais, ce ne sera pas de la lecture de plage…

Pas plus d’ailleurs que S’enfuir – Récit d’un otage de Guy Delisle, (éd. Dargaud, novembre). Lauteur de Pyongyang, de Shenzhen, de Chroniques birmanes et de Chroniques de Jérusalem raconte l’histoire réelle de Christophe André, qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain en 1997 après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l'a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours.

Autour des grands

Louis HamelinPour nous émouvoir, il y aura aussi Autour d’Éva de Louis Hamelin (éd. Boréal, 1er novembre) dont le plus récent roman, au sujet de la crise d’octobre, La constellation du Lynx, avait remporté une kyrielle de prix en 2011… Il raconte ce coup-ci l’histoire d’Éva, qui revient s’installer dans sa ville natale, à Maldoror, en Abitibi, plus précisément dans le chalet de son père au bord du lac Kaganoma, où la paix recherchée sera de courte durée avec la déforestation qui la mettra hors d’elle, l’incitant à mener un combat haletant. L’ironie d’Hamelin et sa prose magnifique seront bonnes à retrouver.

Autour d’elle (éd. Le Cheval d’août, 27 septembre) de Sophie Bienvenu est très très attendu après les grands succès de Et au pire on se mariera, adapté pour le cinéma dans une réalisation de Léa Pool, et Chercher Sam. Roman polyphonique aux voix multiples, il s’agit ici de l’histoire de Florence Gaudreault dont le fils donné à la naissance part à sa recherche à l’âge de vingt ans. Les visions de différents personnages sont convoquées tour à tour dans une forme loin de celles présentes dans les deux précédents romans pour adultes de Bienvenu.

Stéphanie BoulayAu rayon des surprises, notons À l’abri des hommes et des choses de Stéphanie Boulay (éd. Québec Amérique, 7 septembre). Avec un directeur littéraire comme l’écrivain Stéphane Dompierre, qui dirige la nouvelle collection La Shop chez Québec Amérique, ça ne peut pas être mauvais, d’autant plus que les paroles de ses chansons, naïves, mais non pas moins percutantes, modernes et lucides, l’ont prouvé à travers les albums des Sœurs Boulay, qui racontent si bien les paysages changeants de la vie. Dans ce roman, Boulay a imaginé une narratrice qui vit recluse dans les bois, observatrice du monde et des choses autour d’elle. Le tout dans une ambiance sombre, décalée, décrite dans une langue qui semble unique, colorée, crue peut-être aussi par moment. À découvrir.

L’autre surprise est sans doute Plus noir que la nuit de Chris Hadfield, (éd., Scholastic, mi-octobre), un album jeunesse inspiré de l’enfance de l’astronaute et mis en lumière par les illustrations de Terry et Eric Fan. Les jeunes et moins jeunes lecteurs suivront le parcours d’un gamin prêt à tout pour réaliser ses rêves les plus fous.

Tremblay, l’unique

Fort expérimenté et sans surprise celui-là, puisqu’il nous donne heureusement rendez-vous chaque année avant le Salon du livre de Montréal en novembre, Michel Tremblay offre à ses fans fidèles Conversations avec un enfant curieux (éd. Leméac, 9 novembre), une incursion dans l’innocence de ses cinq, six, sept, huit, neuf et dix ans. Il revit ses échanges avec sa mère au sujet d’un petit Jésus de plâtre trop gros pour la crèche familiale, avec sa tante Tititte sur l’usage correct et incorrect du pronom tu, etc. En mode dialogué exclusivement, il s’agira sans contredit aussi d’une leçon sur l’art du dialogue par un maître de la conversation. La lectrice comme l’auteure que je suis attendra ses «leçons» avec impatience.

Des «leçons» d’humilité et de persévérance, certains lecteurs en auront peut-être auprès des textes de l’essai Les Superbes de Marie Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion (éd. VLB éditeur, 21 septembre). Elles ne se connaissaient pas avant ce jour où, dans un mariage d’amis, elles se sont trouvé plusieurs points en commun, entre autres d’avoir un jour connu une certaine notoriété et le succès dans leurs domaines respectifs, ainsi que les débandades qui viennent avec en suscitant parfois médisance, envie et jalousie… Est-ce pire quand on est une femme? semblent-elles se demander, entre autres, en discutant avec d’autres «superbes», des femmes qui ont elles aussi connu le succès et les critiques, comme Pauline Marois, Marie-Mai, Louise Arbour, Cœur de Pirate, Me Sonia Lebel… Des hommes aussi prennent la plume, notamment le cinéaste Rafaël Ouellet, pour dire comment il se sent allié des féministes. J’entends déjà le bruit dans les médias que cet ouvrage-bombe fera en explosant.

Et plus encore en cette rentrée…

Chère Arlette d’Arlette Cousture, L’impureté de Larry Tremblay, Grand Hall de René-Daniel Dubois, Rôle de composition de Jimmy Beaulieu, La plus jolie fin du monde de Zviane, Zoothérapie de Catherine Lepage, L’archipel d’une autre vie d’Andreï Makine, Le Grand Jeu de Céline Minard, Les aventures érotiques d’un écorché vif de Gabriel Anctil, Les voies de la disparition de Mélissa Verreault, Dans l’œil du soleil de Denis Béchard, Soyez imprudents les enfants de Véronique Ovaldé, Le livre de la joie du Dalaï-Lama, Oscar de Profundis de Catherine Mavrikakis, Owen Hopkins Esquire de Simon Roy, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits de Salman Rushdie, Les Empocheurs d’Yves Beauchemin…

JE CRAQUE POUR …

Comme des bêtes 

comme des bêtes

Avant de devenir mère, les films pour enfants ne me faisaient pas le moindre pli sur la bedaine, aujourd’hui ronde de sept mois de grossesse… Aucun effet, même les plus drôles et brillants d’entre eux. Or, j’ai désormais l’œil et le cœur aiguisés dans ce domaine à force d’en voir très souvent. Comme des bêtes, film américain d’animation de Yarrow Cheney et Chris Renaud, est à voir, ne serait-ce que pour enfin savoir ce que font nos petites bêtes domestiques en notre absence. Adorable.