La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

À quel point voulons-nous que nos voyages soient techno?

Nous vivons dans une drôle d’époque. Nous rageons quand le Wi-Fi n’est pas gratuit à l’hôtel, mais sommes prêts à payer pour des retraites déconnectées. Nous rêvons d’îles désertes sans les soucis de la vie moderne, que nous pouvons «magasiner»… grâce à la réalité virtuelle. Vous demandez-vous parfois, vous aussi, si les limites de la techno n’ont pas déjà été atteintes, voire dépassées quand il s’agit de voyage?



Je l’admets: je suis totalement dépendante de mon iPhone. Moi qui n’ai aucun sens de l’orientation, je deviens le point bleu de l’application «Plan» quand je dois me rendre d’un point A à un point B à l’étranger (bon, d’accord: même au Québec). Je calcule le taux de change grâce à XE Currency et je fais mon enregistrement avant un vol sur l’application mobile du transporteur aérien. Je me demande vraiment comment j’arrivais à gérer ma vie de voyageuse avant l’arrivée de ce petit bijou – avec des tas de défauts, tout de même – dans ma vie.

La réalité virtuelle… pourquoi?

Je fais partie des accros de la techno depuis le milieu des années 1990. Je prépare mes voyages en ligne. Je fréquente assidûment les réseaux sociaux et je lis de nombreux blogues.

L’un de mes premiers vrais jobs était dans le tout premier portail québécois. J’ai gagné ma vie comme chroniqueuse techno pendant près d’une décennie. Je devrais donc être la première à m’extasier quand on me parle d’oculus et autres bidules permettant de «vivre» une destination sans quitter son fauteuil, non? Eh bien non, justement.

Pour tout vous dire, elle m’agace, cette tendance à vouloir nous faire vivre les choses virtuellement. Moi qui ai toujours détesté les jeux vidéo, j’ai une aversion profonde pour les inconfortables casques de réalité virtuelle, qui nous donnent tous, en prime, un air ridicule. Mes quelques expériences avec ces gadgets m’ont donné envie de fuir la technologie plutôt que de l’embrasser. Vite, un vrai soleil! Une vraie mer!

Pour être tout à fait honnête, le seul moment où la réalité virtuelle me semble vraiment attrayante est dans le cas du tourisme spatial. N’ayant aucune envie de me lancer dans cette aventure «en vrai», je serais tout de même curieuse d’en avoir un aperçu.

Photo: Todd Torabi, Unsplash
Photo: Todd Torabi, Unsplash

Des robots à l’accueil, comme majordomes, en cuisine…

J’ai beau dévorer compulsivement tout ce qui touche les tendances voyage et le tourisme de demain, quand je pars en vacances, j’ai encore envie d’être accueillie par un humain plutôt qu’un robot, ou pire, le voir mitonner mon repas au resto. Pourtant, je les adore dans un contexte ludique, les robots! Mais de grâce, laissez-nous les chefs et leurs délicieuses imperfections!

Je ne suis pas au bout de mes peines, si je me fie aux articles que je dévore compulsivement… sur mon iPhone. «Codewave planche sur un “Siri pour le voyage” – un assistant baptisé Alexis, qui répondra aux requêtes vocales, et exploitera des données de “fournisseurs et agents de voyage” pour proposer des réservations (trains, vols, hôtels), des guides touristiques ou des excursions, en fonction de là où vous vous trouvez, rapporte CNET France. En collectant vos données, Alexis connaîtra aussi vos préférences, et personnalisera ses recommandations

Je ne sais pas pour vous, mais moi, Siri a plutôt tendance à m’énerver. Surtout quand elle décide de composer un numéro de téléphone que je ne lui ai pas demandé! Et puis, mes préférences varient tellement selon mon état d’esprit et mon niveau d’énergie que j’ai du mal à imaginer comment une machine pourrait arriver à trouver pile-poil ce qu’il me faut à l’instant précis où il me le faut. Vive les conseillers en chair et en os, même si les échanges se font souvent par courriel ou par téléphone!

C’est ça, vieillir?

Serais-je en train de me transformer en l’une de ces étranges créatures que je regardais de haut dans tout l’enthousiasme de ma vingtaine connectée? Ou alors, suis-je simplement allée au bout de ce que j’avais envie de vivre dans le virtuel ces vingt dernières années et en sors avec une soif plus grande que jamais de réel?

Peut-être un peu des deux. Chose certaine, j’ai beau aimer savoir que j’ai accès au Wi-Fi 24h/24 n’importe où, je n’ai pas forcément envie d’être connectée en continu. J’aime encore trop l’humain – oui, même quand il semble passer une très mauvaise journée – pour le remplacer partout par des algorithmes et des robots. J’aime fouiller le Web de fond en comble pour préparer mes voyages, mais je suis heureuse d’avoir accès à un conseiller compétent quand j’en ressens le besoin. J’aime que la techno soit au service de l’homme et non l’inverse. Qu’elle m’aide à retrouver mon chemin, oui, mais pas qu’elle le décide pour moi selon mes prétendues préférences.

Surtout, j’aime passionnément le mystère du voyage. Les attentes ont souvent altéré mon plaisir sur le terrain. Je n’ai pas besoin de «vivre» une expérience à l’avance, un aperçu me suffit. Je ne vois pas l’intérêt de me sentir «comme si j’y étais» non plus: je veux y être, tout simplement. Et profiter de chaque seconde sur place, connectée ou pas.


Pour en savoir plus

Comment voyagera le touriste de demain?

Marie-Julie Gagnon

9 février 2017

Avenues

Le tourisme du futur : un voyage entre réalité virtuelle et intelligence artificielle

Fabien Soyez

9 mars 2017

CNETFrance

Interview: Facebook’s Head of Travel on Hotels Going Mobile

Deanna Ting

16 mars 2017

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