La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

À lire en 2018

Les ventes de livres au Québec vont bon train, mieux même qu’il y a quelques années, comme quoi le papier n’est pas en perte de vitesse. Pas comme le «salaire» des auteur.e.s, qui lui l’est toujours (sic), mais ça, c’est une autre histoire. Parlons plutôt de ce que nous lirons en 2018...



Saviez-vous que depuis le 4 janvier, pour la rentrée littéraire de janvier et février, en France seulement, ce sont près de 500 nouveaux romans qui apparaissent en librairie? 4 9 9 pour être plus précise. Au Québec, en ajoutant à une fraction de ces titres français des nouveautés québécoises, ça fait pas mal. En voici quelques-uns.

Couleurs de l’incendie, Pierre Lemaitre

L’année 2018 débute en lion avec Couleurs de l’incendie (Albin Michel), second volet de la trilogie de l’écrivain français Pierre Lemaitre, qui avait épaté la galerie du célébrissime et prestigieux Prix Goncourt en 2013 avec son premier tome, Au revoir là-haut, adapté au cinéma et qui porte sur deux hommes qui revenaient de la guerre 14-18. Cette fois, nous sommes en 1927 et le personnage central est une femme qui se retrouve, à la mort de son père banquier, héritière d’un empire financier.

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Les Loyautés, Delphine de Vigan

La lionne française, elle, s’appelle Delphine de Vigan, qui après Rien ne s’oppose à la nuit et D’après une histoire vraie (prix Renaudot et Goncourt des lycéens) revient dans quelques semaines avec un huitième roman fort attendu par des hordes de fans. Avec Les Loyautés (JC Lattès), celle qui était d’ailleurs de passage en spectacle intime à Montréal l’automne dernier avec la Grande Sophie dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL) explore les fidélités silencieuses qui nous unissent ou nous enchaînent aux autres. Quatre personnages attachants occupent les 208 pages de ce roman qui se lit d’un trait. Oui, je l’ai lu déjà. Gnagnagna. On en reparlera encore et encore.

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Une vie sans fin, Frédéric Beigbeder

Un autre qui fait jaser de l’autre côté de l’océan, mais ici aussi à chacun de ses passages, c’est Frédéric Beigbeder, pour qui l’amour dure trois ans… Figure glamour parisienne atteinte du syndrome de Peter Pan, ses 50 ans n’ont certainement pas été si faciles à digérer, c’est du moins un peu ce qui se glisse en filigrane de Une vie sans fin (Grasset), disponible depuis le 3 janvier en France, donc un peu plus tard chez nous. Selon le magazine Vanity Fair, on y apprend que le romancier a fait un séjour à la clinique Viva Mayr, en Autriche, et que pour des fins d’enquêtes (!!!), il y aurait découvert toutes sortes d’activités détox, dont il relate les effets, sans compter les grandes découvertes qu’il a faites sur sa propre condition de mortel. C’était bien sûr l’occasion de parler de sujets très personnels, notamment des proches à lui qui l’ont quitté trop jeunes et de sa benjamine, Oona, 2 ans. À suivre.

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4 3 2 1, Paul Auster

Du côté des États-Unis, Paul Auster revient, le 17 janvier, avec 4 3 2 1 (Actes Sud), son 19e titre, un pavé de plus de 1 000 pages qui a enfin été traduit en français et qui relate l’histoire de Archibald Isaac Ferguson, né le 3 mars 1947 – tiens, tiens, un mois après Paul Auster lui-même...

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Un autre regard 2, Emma

Le jour même de la parution de la brique de Paul Auster, Emma, blogueuse et féministe engagée devenue célèbre, entamera une tournée au Québec jusqu’au 20 janvier à l’occasion de la sortie de sa bande dessinée Un autre regard 2, qui traite entre autres de «charge mentale», l’expression de l’heure ces dernières années pour plusieurs d’entre nous. Dans son nouvel album, on trouvera des séquences féministes inédites de son travail, certaines qui évoquent d’ailleurs les BD de la Suédoise Liv Strömquist.

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Faim de vivre, Jérôme Ferrer

De retour chez nous, je dois avouer que j’ai accueilli tièdement l’annonce de l’arrivée en librairie, le 18 janvier, du nouveau livre de Jérôme Ferrer. «Pas encore des recettes», me suis-je dit! D’abord, il y en a trop, et secundo, à force de vouloir tout cuisiner, je m’arrondis gaiement. Or, Faim de vivre (Flammarion) est tout sauf du «déjà vu». Faim de vivre est un hymne à l’amour et à la vie en ce sens qu’il s’agit du récit de Ferrer et de sa femme, Virginie, qui a appris à la suite d’une fausse couche qu’elle était atteinte d’un cancer du poumon de stade IV… Le jeune chef d’alors a décidé d’affronter la maladie et de soutenir celle qu’il aimait avec les armes qu’il connaissait le mieux: la cuisine et le plaisir du partage, en assaisonnant ses plats des souvenirs et de la tendresse qui pouvaient faire la différence. Ce livre sera donc une réflexion sur le pouvoir d’une simple recette et un savoureux hommage à cette «faim de vivre».

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L'enfer, Sylvie Drapeau

Le 7 février, c’est L’enfer (Leméac) de Sylvie Drapeau qui nous arrive, quelques mois après Le fleuve sur la noyade de son grand frère et Le ciel sur sa mère. L’enfer, c’est le mal qui accable le petit frère de la famille parti de la Côte-Nord pour aller étudier à l’université, c’est un hommage aux sœurs qui supportent et entourent. C’est la maladie mentale qui n’est pas que ténébreuse.

René Homier-Roy, Marc-André Lussier

Puisqu’on est du côté des éditions Leméac, qui démarre l’année en force avec des titres importants, poursuivons avec René Homier-Roy, une biographie de l’homme de culture par le journaliste Marc-André Lussier. Ce livre est bien sûr fort prometteur puisque Homier-Roy, à qui on a souvent demandé d’écrire ou d’être le sujet d’une bio, se livre pour la seule et unique fois, y allant lui-même de ses propres mots, en plus de ceux de Lussier, qui a une fort jolie plume. Disponible à compter du 7 mars.

Nobel, Jean Barbe

Le 1er mars, c'est la parution du Nobel de Jean Barbe, qui est certes un clin d’œil au Nobel de littérature que tout écrivain aimerait recevoir, mais il s’agit pour l’écrivain de faire comme s’il avait à prononcer un discours en recevant cet honneur… Que dirait-il? Dans une vibrante ode à la littérature, il profite de ce court texte pour témoigner de toute l’estime qu’il éprouve pour la chose littéraire certes, mais aussi pour évoquer sa propre découverte du monde des lettres et son inquiétude, que je partage, il va s’en dire (ne me titillez pas là-dessus…), de voir les librairies se remplir de «miroirs magnifiant le soi», lit-on dans le communiqué de l’éditeur.

Autoportrait de Paris avec chat, Dany Laferrière

Une autre valeur sure qui sera fort intrigante est Autoportrait de Paris avec chat (Boréal/Grasset), le 10 avril, quelques jours seulement avant l’anniversaire de l’écrivain, un Dany Laferrière qui donne son premier livre d’académicien, dans lequel il y a du texte et… des dessins! On nous dit chez Boréal qu’il ne s’agit pas d’une bande dessinée ni d’un roman graphique. «C’est un roman-roman, calligraphié et dessiné à la main. En fait, c’est Paris qui se dépeint ici, avec les mots et les images de Dany Laferrière.» On y retrouvera, bien sûr, ses écrivains de cœur, des bribes d’enfance, des souvenirs et réflexions, du grand Dany comme les lecteurs aiment le retrouver, pas toujours là où ils l’attendaient.

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L'allumeuse, Suzanne Myre

Je serai très heureuse aussi de retrouver à la mi-janvier les nouvelles de Suzanne Myre dans L’allumeuse (Marchand de feuilles), qui révèle des histoires à la fois drôles, cruelles et attendrissantes, des portraits d’héroïnes fortes qui ne renoncent devant aucun obstacle. J’ai déjà le livre en main et je brûle d’impatience de m’y plonger.

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Hôtel Lonely Hearts, Heather O’Neill 

Avant de me plonger dans le livre de Suzanne Myre, je dois d'abord terminer le roman avec lequel je suis prise: Hôtel Lonely Hearts d’une Heather O’Neill dont vous avez peut-être déjà lu les mots singuliers dans La vie rêvée des grille-pain paru il y a quelques mois chez Alto. Il semblerait qu’ils étaient plusieurs à se battre pour obtenir les droits pour faire paraître en français les livres de cette Montréalaise encensée dans le Canada anglais, mais si peu connue ici, alors que plusieurs de ses histoires se déroulent à Montréal. On comprend vite pourquoi certains ont croisé le fer pour elle. Elle a de l’humour, de la répartie, un sens tragique aussi profond que léger et un art pour dépeindre le sentiment amoureux, du moins dans cet opus que vous lirez en février. Avant d’oublier, sa langue riche et joyeuse est traduite en français par Dominique Fortier, elle-même écrivaine brillante et aimée. Le cocktail en est un de feu, et je vous promets beaucoup beaucoup de discussions autour de cette œuvre grandiose.

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Deux nouvelles auteures à surveiller

Deux nouvelles auteures, entre autres, sautent dans l’arène littéraire en 2018. Elles s’appellent Lucia Carballo et Jeanne Dompierre. La première fait ses premiers pas épaulée par la très intelligente Geneviève Thibault, l’éditrice notamment de Mikella Nicol, Fanny Britt et Sophie Bienvenu au Cheval d’août, et la seconde s’est fait diriger par l’auteur Stéphane Dompierre, qui donne parfois des perles à lire avec sa collection La Shop au sein des éditions Québec Amérique. À suivre donc pour ces dames dont on me souffle à l’oreille de très bons mots.

2017 n’aurait pas été la même sans…

  • La poésie épatante de Erika Soucy, avec son recueil Priscilla en hologramme (l’Hexagone), atteint des sommets quand on y reconnaît des êtres chers, une langue aimée, un style qui ne recule devant rien.
  • Comme Soucy, elle va penser que j’ai un «kick» sur elle tant j’ai parlé partout de son Jeu de la musique (Le Quartanier), mais que voulez-vous, Stéfanie Clermont signe des nouvelles qui sont celles de sa génération (elle a 28 ans), de celles qui changent un peu la manière d’entrevoir la nouvelle littéraire, l’amour et l’amitié.
  • Les repentirs de Marc Séguin, dans la brillante collection III, de Danielle Laurin, chez Québec Amérique, questionne entre autres la mémoire et l’étrange lien entre la fiction et la réalité en création, comme dans la vie, d’ailleurs.
  • L’effet «transmission» riche et précieux pour les générations à venir grâce aux mots de Martine Delvaux à sa fille dans Le monde est à toi (Héliotrope), pour que le féminisme ne soit plus l’exception, mais une manière naturelle d’être et de donner. Encore plus percutant et pertinent par les temps qui courent.
  • Le tragique ne saurait être agréable à lire sans la délicatesse qu’on reconnaît à Matthieu Simard, qui dans Ici, ailleurs (Alto), grâce à une sensibilité indéniable, a réussi à traiter de la mort d’un enfant et de son impossible deuil…
  • Ma grande découverte étrangère est celle de la romancière et poétesse américaine Maggie Nelson qui, dans deux genres complètement différents – Une partie rouge et Les argonautes (du sous-sol) –, donne à lire des textes défricheurs, impudiques, fins et grandioses à la fois. Lisez-là, de grâce!
  • Aphélie (Le Cheval d’août), le second roman d’une étoile montante qui s’appelle Mikella Nicol et qui fera jaser, encore et encore avec sa prose bien à elle. Marquante. 

Et j'en oublie, pardonnez-moi...

Ils écriront de là-haut… Nos disparus écrivains de 2017

Annie Saumont, Tzvetan Todorov, Laurent Laplante, Colin Dexter, Serge Doubrovsky, Charles Simmons, Michael Bond, Antonio Sarabia, Alain Gagnon, Max Gallo, Anne Dufourmantelle, Sam Shepard, Réjean Ducharme, Tex Lecor, Gretta Chambers, Anne Wiazemsky, Jean-Yves Soucy, Annie Goetzinger, Jean d’Ormesson… 

Bonnes lectures! Que la bienveillance fasse taire les armes, la bouche orange de Trump et les mononcles cochons.