La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Leonard Cohen au Musée d’art contemporain

Leonard Cohen fait son entrée au Musée d'art contemporain avec l'exposition Une brèche en toute chose. Bienvenue sur la planète Cohen, un monde de sagesse et de raison où la voix d’un homme et sa poésie sont d’un grand apaisement.



Leonard Cohen est mort il y a un an, mais il n’a jamais été aussi présent dans nos vies. La semaine a commencé avec un concert hommage au Centre Bell, repris le lendemain à ICI Musique. L’immense fresque que l’organisme MU lui a consacrée, rue Crescent, a été officiellement inaugurée. Sa poésie a brillé sur les murs du silo no 5. Sur l’enseigne de l’aéroport Trudeau, on a coiffé le O de Montréal de son célèbre chapeau. Et pour couronner le tout, le Musée d’art contemporain ouvre cette semaine Leonard Cohen – Une brèche en toute chose, une des plus importantes expositions de son histoire, qui demeurera à l’affiche jusqu’en avril.

L’immense fresque de Leonard Cohen sur la rue Crescent. Photo: Olivier Bousquet
L’immense fresque de Leonard Cohen sur la rue Crescent. Photo: Olivier Bousquet

Visiter cette exposition, c’est comme avoir le privilège d’entrer dans la maison du poète. Chaque porte qu’on ouvre nous permet de découvrir un peu mieux son univers. Leonard Cohen est l’architecte de cette maison, mais chaque pièce est décorée au goût d’un artiste différent. Les co-commissaires John Zeppetelli et Victor Shiffman ont fait appel à une quarantaine de créateurs pour qu’ils racontent à leur façon qui est Leonard Cohen, comment il a été une inspiration, ce qu’il a légué ou tout simplement pour qu’ils reprennent une de ses chansons.

La manière dont les artistes commissionnés se sont acquittés de la tâche prend toutes sortes de formes. Dans un cubicule qui ne peut accueillir qu’une personne à la fois, l’Israélien Ari Folman (réalisateur de Valse avec Bachir) recrée un souvenir d’enfance – lorsque sa sœur a noyé une peine d’amour en s’enfermant dans sa chambre avec un disque de Leonard Cohen comme bouée. L’installation devient un hommage à la mélancolie salvatrice du poète.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Pour leur part, Melissa Mongiat et Mouna Andraos de Daily tous les jours (21 Balançoires au Quartier des spectacles) célèbrent le titre le plus repris de Leonard Cohen. Elles ont imaginé un temple dans lequel le visiteur est invité à se connecter avec tous ceux qui vibrent à la chanson Hallelujah. Dans un espace fermé, un chiffre nous indique le nombre de personnes qui écoutent en même temps Hallelujah sur Spotify (1771 au moment de mon passage); en fond sonore, une chorale la chante et des micros nous permettent d’entonner l’air avec elle. Plus il y a de gens qui ajoutent leur voix, plus le sol vibre. Une façon éloquente de ressentir l’impact de l’artiste!

Le vidéaste George Fok, originaire de Hong Kong, nous propose de son côté un survol des 50 ans de carrière de chanteur de Leonard Cohen. Son montage d’extraits de concerts de toutes les époques est diffusé sur de multiples écrans. Les archives venant de partout à travers le monde, on prend alors la mesure du phénomène que cet ambassadeur de Montréal a été.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

La cinéaste montréalaise Kara Blake a réalisé un travail semblable, mais dans son cas à partir des entrevues que le chanteur a donné au fil des ans. On peut apprécier la pensée articulée et jamais banale du poète-philosophe.

Avec un don d’elle-même peu commun, la danseuse québécoise Clara Furey amène une dimension physique à cette exposition. Elle interprète live et en solo la chorégraphie que le poème When Even The lui a inspirée. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec la discipline pour le corps que Cohen s’est imposée chez les bouddhistes.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

On l’a dit, Cohen est partout dans cette exposition, mais à travers les autres. C’est aussi le cas dans la salle d’écoute, où on peut apprécier plus d’une quinzaine de nouvelles interprétations de ses chansons faites expressément pour l’exposition. Mentionnons Ariane Moffatt, qui a repris Famous Blue Rain Coat avec l’Orchestre symphonique de Montréal, Socalled, qui s’est approprié I’m Your Man et Moby, qui a refait Suzanne à sa manière.

Photo: MAC
Photo: MAC

Le parcours propose sept heures de contenu, presque à 100% en anglais, mais toujours avec sous-titres français. En parcourant les salles, on finit par perdre la notion du temps et de l’espace. On n’est plus au MAC mais sur la planète Cohen, un monde de sagesse et de raison où la voix d’un homme et sa poésie sont d’un grand apaisement. Tout un contraste avec ce qui se passe dans notre monde.

Pour décupler le plaisir de visiter cette exposition, je vous suggère de lire au préalable la biographie I’m Your Man de Sylvie Simmons dont je vous ai parlé récemment. On en saisit que mieux l’ampleur du personnage.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes