La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Alexander Calder a 120 ans, ça se fête au Musée des beaux-arts de Montréal

À partir du 21 septembre et jusqu’au 24 février, le Musée des beaux-arts de Montréal célèbre l’artiste Alexander Calder, créateur de L’Homme, une des plus importantes pièces de la collection d’art public de Montréal.



Tout le monde connait cette œuvre monumentale qui trône sur le bord du fleuve Saint-Laurent depuis 1967, mais on est moins au fait du parcours fascinant de cet homme qui a marqué l’histoire de l’art moderne. Cette première rétrospective canadienne consacrée à Calder nous comble de surprises.

Photo: Claude Deschênes
Trois disques, communément appelée L'Homme, œuvre monumentale d'Alexander Calder qui trône sur le bord du fleuve Saint-Laurent depuis 1967. Photo: Claude Deschênes

Saviez-vous que cet artiste a été un tel «inventeur radical», comme le qualifie le titre de l’exposition, qu’il a fallu créer des mots pour décrire son travail? Marcel Duchamp a donné le nom de mobile aux créations suspendues et motorisées de Calder. Jean Arp a renchéri en qualifiant de stabile ses œuvres immobiles. Ces deux mots, intimement liés au travail de Calder, sont dans l’édition internationale du dictionnaire Webster depuis les années 1930.

Calder est né en Pennsylvanie en 1898 d’un père sculpteur et d’une mère peintre. À 20 ans, il est déjà diplômé en génie mécanique, mais l’art le rattrape, et le style qu’il développe, en dehors de la peinture, est en droite ligne avec son expérience de dessinateur industriel.

Au milieu des années 1920, alors qu’il est à Paris, il invente la sculpture en fil de fer qui est, ni plus ni moins, la représentation en trois dimensions du trait du dessinateur sur une feuille. Il impose ce style en créant des personnages inspirés du monde du cirque.

Photo: Claude Deschênes
Calder invente les sculptures en fil de fer. Photo: Claude Deschênes

Le Cirque Calder ne passe pas inaperçu. L’artiste américain se retrouve rapidement entouré d’apôtres de l’avant-garde internationale: Jean Cocteau, Miro, Le Corbusier, Fernand Léger, Piet Mondrian.

Fasciné par la peinture de ce dernier, Calder se met à faire semblable. Plutôt que de mettre les formes et les couleurs à plat sur une toile, il ressort son fil de fer et suspend les éléments de son tableau dans l’espace, amenant une troisième dimension à sa création. Ainsi est né le mobile.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Les mobiles que le musée nous présente affichent une jeunesse éternelle. On peine à croire que certains d’entre eux ont été créés il y a plus de 80 ans. Lorsqu’on pénètre dans la salle qui en contient le plus, on a l’impression d’arriver au ciel. Tout l’espace est d’un blanc, immaculé et apaisant, mettant en valeur les délicates créations de Calder, autant dans leur matérialité que dans leurs ombres portées. L’éclairage des mobiles double leur impact.

Photo: Claude Deschênes
Difficile de croire que certains de ces mobiles ont été créés il y a plus de 80 ans. Photo: Claude Deschênes

Alexander Calder a aussi travaillé dans le massif. Ses premiers stabiles boulonnés datent de 1937. On calcule qu’il a réalisé plus de 300 œuvres monumentales. Elles sont disséminées à travers le monde.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Montréal a la chance d’avoir une des plus imposantes. L’œuvre qu’on appelle familièrement L’Homme à cause de son association avec Terre des Hommes se nomme en fait Trois disques. Elle fait 20 mètres de hauteur et a nécessité 36 000 kg de feuilles d’acier inoxydable et plus de 1 000 kg d’écrous. Des films d’archives rappellent sa fabrication dans une fonderie de Tours en France et la complexité de son montage sur l’île Sainte-Hélène il y a plus de 50 ans.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Deux prototypes ont été réalisés avant la création de l’œuvre originale, et c’est la première fois que les deux maquettes sont réunies en un même lieu. Celle à l’échelle 1:6 est exposée à l’extérieur, devant le pavillon Michal et Renata Hornstein, qui accueille l’exposition, et l’autre, miniature, sous une cloche de verre dans la dernière salle du parcours. Il est extrêmement intéressant de se faire raconter l’histoire de ce monument qui, vous vous l’imaginez bien, n’est pas un long fleuve tranquille.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Cette exposition a tous les atouts pour plaire à un vaste public. Ludiques, organiques, techniques, historiques, statiques, mouvantes, les 150 œuvres rassemblées ont de quoi éblouir grands et petits. Elles font surtout la démonstration que Calder, c’est plus que L’Homme. Un surhomme? Certainement un géant de l’art moderne.

Le bouquet final

À la sortie de l’exposition, ne manquez pas l’installation du collectif Mere Phantoms. Les artistes Maya Ersan et Jaimie Robson ont recréé trois villes importantes dans le parcours de Calder: Montréal, Paris et New York. Avec les lampes de poche fournies, vous pouvez vous amuser à éclairer ces paysages de dentelle et vous laisser surprendre par la magie des ombres portées. Cette technique est un art très prisé en Allemagne. On l’appelle scherenschnitt. Scheren pour ciseaux, schnitt pour coupe.

Photo: Claude Deschênes
À la sortie de l’exposition, ne manquez pas l’installation du collectif Mere Phantoms. Photo: Claude Deschênes

En passant par là

À compter du 25 septembre, vous pourrez désormais faire coïncider votre visite au Musée des beaux-arts de Montréal avec une sortie au cinéma. En effet, l’auditorium Maxwell-Cummings, situé dans le pavillon Michal et Renata Hornstein, devient une salle de cinéma. Le Cinéma du Musée, c’est son nom, projettera du matin au soir des films tirés du répertoire d’auteurs et des primeurs. La gestion et la programmation seront assurées par l’équipe du Cinéma Beaubien. N’est-ce pas une bonne idée de faire entrer le 7e art au musée?